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Jusqu’ici tout va bien
12 nouvelles sur la phobieCollectif
aNTIDATA
2013
Mécanonumismatophobie, aviophobie, gallinophobie, phanérophobie… Voilà 12 courtes nouvelles, tantôt graves, tantôt drôles, sur le thème passionnant de la phobie.
Merci de composer votre code à l’abri des regards
Arturo Padagoy, au physique assez disgracieux (comprenez aussi « gras »), est un geek et un porn addict, mais là ne sont pas ses seuls défauts, car il a aussi la phobie des automates. Contraint par sa mère d’aller faire une course (ah oui, il est aussi affreusement tanguy), il se retrouve attaqué par deux types qui veulent lui soutirer du fric à un distributeur. Mal leur en a pris, car ils n’imaginent pas du tout sur qui ils sont tombés !
Pour finir
Ces nouvelles sont très réussies, d’autant plus quand on sait combien l’exercice littéraire est périlleux. Ce recueil réunit des textes de moins de 15 pages bâtissant un univers, une ambiance, des situations tantôt rocambolesques ou étranges, tantôt déjantées ou dramatiques, avec une bonne chute, sans oublier une touche d’humour ou de gravité. Le must ici, c’est bien l’humour — exercice difficile en soi — car les auteurs semblent ne pas se prendre au sérieux et se faire plaisir dans l’écriture de ces textes barrés, une manière intelligente de tenir à distance nos peurs, comme... un antidote.
Mais il n’ y a pas que les auteurs qui ne manquent pas d’humour, car les éditions aNTIDATA, spécialistes de la nouvelle, se distinguent toujours par l’originalité de leurs ouvrages : dans ce recueil, les auteurs sont présentés par une fiche patient, avec le motif d’admission (la phobie en question), les antécédents (la bibliographie) et la durée du traitement (le nombre de pages de la nouvelle).
Voilà un recueil sympathique sur un thème attirant et inépuisable qui donne envie d’écrire sur ses propres phobies !
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Côté cour Leandro Avalos Blacha
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Jusqu’ici tout va bien
12 nouvelles sur la phobie
Sébastien Gendron, Stéphane Monnot, Olivier Boile, Christophe Ségas, Ludmila Safyane, Laurent Banitz, Frédérique Trigodet, Gilles Marchand, Bertrand Bonnet, X, Marie Lelièvre, Hélène Frank
aNTIDATA
2013
166 pages
11,50 euros
2 commentaires -
L’Adversaire
Emmanuel Carrère
P.O.L.
2000
Emmanuel Carrère raconte l’histoire retentissante de Jean-Claude Romand qui, en 1993, a tué toute sa famille après l'avoir trompée et escroquée pendant dix ans en se faisant passer pour un médecin de l’OMS.« Toute la vérité : dix-sept ans de mensonges1 ? »
En 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses deux enfants et ses parents avec une froideur hors norme. L’enquête policière a mis au jour une réalité monstrueuse et troublante, libérant par là-même le meurtrier : depuis presque vingt ans, il se faisait passer pour un chercheur réputé de l’OMS, fréquentant des personnalités médiatiques et assistant à des conférences internationales sur la médecine.
Pourquoi ce coup de folie, cet acte impensable, insensé, horrible ? Emmanuel Carrère explique comment il a été amené à écrire un livre sur cette histoire et fait un récit détaillé du procès. Point par point, il reconstitue, comme l’ont fait les enquêteurs et l’entourage, toute une vie de mensonges, de solitude destructrice, de dépression silencieuse, une coquille vide qui lui était devenue insupportable.
« Ç’aurait dû être doux et chaud, cette vie de famille. Ils croyaient que c’était doux et chaud. Mais lui savait que c’était pourri de l’intérieur, que pas un instant, pas un geste, pas même leur sommeil n’échappaient à cette pourriture. Elle avait grandi en lui, petit à petit elle avait tout dévoré de l’intérieur sans que de l’extérieur on voie rien, et maintenant il ne restait plus rien d’autre, il n’y avait plus qu’elle qui allait faire éclater la coquille et paraître au grand jour. Ils allaient se retrouver nus, sans défense, dans le froid et l’horreur, et ce serait la seule réalité. C’était déjà, même s’ils ne le savaient pas, la seule réalité2. »
Pour finir
Emmanuel Carrère raconte très bien. Il est parvenu à construire un récit bien composé, à la fois factuel et nourri d’impressions, entre l’empathie naturelle et le réalisme, sans pathos ni jugement moral excessif, malgré un sujet si délicat.
L’exercice est terrible pour l’écrivain, chercher à comprendre le criminel tout en se positionnant du point de vue de l’entourage ; d’autant plus difficile pour Emmanuel Carrère qui partage la foi chrétienne dans laquelle Jean-Claude Romand s’est réfugié pendant sa réclusion. Mais le résultat est passionnant, convaincant et se lit presque d’une traite.
L’Adversaire, un récit vertigineux qui met mal à l’aise. Le procès, qui nourrit cette part malsaine en chacun de nous, ce voyeurisme, dévoile les pans les plus intimes de la vie des victimes. Les médias ont du également s’en donner à cœur joie. On veut comprendre, mais on ne veut pas savoir. On se met à la place des uns et des autres, de ceux qui ont partagé le quotidien de Jean-Claude Romand et qui n’ont rien deviné durant toutes ces années, et à la place de l’écrivain qui s’implique.
« Il est facile de considérer Romand comme un monstre et ses amis comme une bande de bourgeois de province ridiculement naïfs quand on connaît la fin de l’histoire3. »
Alors, en faire un récit, et qui plus est un film (L’Adversaire, Nicole Garcia, 2002), c’est aussi donner prise aux désirs mythomanes de Jean-Claude Roman d’être quelqu’un. Perpétuellement dans une mise en scène de soi, Romand est entré dans la postérité en passant du médecin réputé à ce martyr-héros en route pour la rédemption éternelle. Il devient le symbole d’une tragédie à laquelle il a survécu, alors qu’il en est le responsable et le monstre ; il se réfugie (ou se cache ?) dans une foi sans borne pour nier les événements, évacuer une lucidité et une souffrance trop frontales.
Voilà un récit qui m’a beaucoup touché, notamment parce que je le lis en 2015, date à laquelle le monsieur est libérable, et parce que les enfants victimes auraient eu mon âge s’ils avaient survécu.
Lisez aussi
La révolte à perpétuité Sante Notarnicola
1. Page 132. -2. Page 154. -3. Page 187.
L’Adversaire
Emmanuel Carrère
Éditions Gallimard
Collection Folio n°3520
2001
224 pages
6,40 euros
12 commentaires -
Demande, et tu recevras
Sam Lipsyte
Monsieur Toussaint Louverture
2015
Milo Burke, la quarantaine, est un looser sympathique qui vient de perdre son emploi.
« Tu es pathétique. Un vrai loser. Que dis-je, tu es Sa Majesté des losers, Beurk Ier1. »
Milo Burke, la quarantaine marquée par une légère bedaine et bouffeur invétéré de wraps à la dinde dans ses moments d’indécision (et ils sont nombreux), est ce qu’on appelle communément un looser qui se fait traiter de tarlouze par son gosse de 4 ans.
Il faut dire qu’autrefois, il espérait percer dans le milieu fermé des artistes, alors qu’aujourd’hui il est leveur de fonds. Son travail : trouver des mécènes pour les arts plastiques d’une université (qu’il ne manque pas de rappeler combien elle est médiocre), sauf qu’il n’a pas la fibre commerciale ou « lèche-cul ».
Bref, Milo Burke, rempli d’amertume, s’apitoie sur la lositude de sa vie et égratigne au passage l’Amérique contemporaine, avec ses travers hygiénistes, sécuritaires et la spectacularisation constante du moi. Il a d’ailleurs de quoi être apitoyé, car il vient de perdre son boulot.
« À présent nous attendions Christine, la nounou. Dès qu’elle déboulerait à bord de son minivan pétardant, je descendrais avec Bernie et le flanquerais à l’intérieur du véhicule avec les autres marmots dont Christine avait la surveillance, ou qu’elle laissait peut-être en auto-surveillance le temps de faire le plein de paquets de chips à l’hypermarché. Nous avions que le tarif pratiqué par Christine était outrageusement bas, et que sous sa supervision – ou plutôt en l’absence de celle-ci – Bernie devenait petit à petit une racaille. La garde d’enfants n’est pas différente du reste : si vous voulez un service de qualité, ça coûte bonbon. Et si vous n’alignez pas les biffetons, c’est votre gamin qui paie2. »
Pour finir
Demande, et tu recevras est publié par la chouette maison Monsieur Toussaint Louverture dont les livres sont particulièrement beaux et originaux, certainement faits avec amour et passion. C’est un roman sympathique mais sans plus, car à l’image du personnage, il est à la fois drôle, attachant et ennuyeux.
Drôle parce que les situations sont ahurissantes ou pathétiques. Les dialogues sont toniques et typiquement cinématographiques, avec de supers passages mettant en scène le fils de 4 ans. Surtout, chaque instant dramatique est systématiquement désamorcé par le détail qui tue ou la phrase qui fait toc, et on se surprend à sourire du malheur de l’autre.
Attachant parce que Milo Burke, rempli de cynisme et de haine, a une conscience exacerbée de sa domination dans la société, dans une Amérique en déperdition (même si le propos n’est pas assez creusé à mon sens). Il sait qu’il est le produit du système, qu’il nourrit tous les préjugés sur la réussite sociale, et qu’il incarne typiquement la classe moyenne en dèche. On a finalement peu conscience de ce que nous sommes par rapport à la société, croyant dur comme fer à notre liber-arbitre.
Mais ce roman est ennuyeux, car Milo Burke, en looser sympathique, voire pathétique, ne suffit pas à porter le roman jusqu’au bout, malgré des personnages secondaires intéressants. Entre indécision et résignation, il est, habité par cette « sensation de flottement » (a-t-il compris combien le libre-arbitre était un mirage ?), laquelle a fini par m’envahir aussi. Milo est en route vers une destination qu’il n’a pas prévue, et qui ne semble pas le préoccuper plus que ça. Au fond, il se passe peu de choses dans ce roman, c’est dommage.
Un roman aux qualités indéniables, qui plaira aux passionnés de littérature américaine, mais qui m’a lassé vers la fin.
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La Conjuration des imbéciles John Kennedy Toole
1. Page 35. -2. Page 63.
Demande, et tu recevras
(titre original : The Ask)
Traduit de l’américain par Martine Céleste Désoille
Monsieur Toussaint Louverture
2015
416 pages
23 euros
2 commentaires
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