• Dandy ≡ Richard Krawiec

    Dandy Richar Krawiec

     Dandy

    Richard Krawiec

    Éditions Tusitala

    2013

     

    Merci à Libfly et aux éditions Tusitala !

     

    La rencontre de Jolene et Artie, deux paumés qui cherchent à s'en sortir, dans les années 1980 aux États-Unis.

    « Quand on est une fille, y a pas beaucoup de moyens respectables de se faire de l’argent1. »

    Jolene, même pas vingt ans, se retrouve sur le ring d’une boxe d’un genre spécial. C’est plus exactement une fosse dans un bar, recouverte de gélatine, où des femmes se battent. Mais le public, essentiellement masculin, ne cherche pas tant les coups que les nichons dégoulinants de gélatine.

    Avec ce combat misogyne et dégradant, elle gagnera vingt dollars. C’est que Jolene a un gamin sur les bras, le petit Dandy, alors qu’elle n’a pas un rond. Comment pourra-t-elle le nourrir une fois qu’il n’y aura plus de lait ni de coca à mettre dans son biberon ? Elle est prête à tout pour gagner de l’argent, mais son passé difficile lui revient toujours à la gueule comme un boomerang.

    « Tout le monde connaît Artie2

    Dans le public, Artie regarde ce combat avec autant de plaisir que les autres hommes, même s’il dira le contraire à Jolene lorsqu’il l’abordera. Artie, le mec marrant mais paumé, toujours à monter des petites arnaques pour gagner quelques dollars aussitôt dépensés en gnôle, vit dans un taudis et voudrait bien en sortir. Sa vie est merdique, il est seul et pauvre et aspire, comme tout le monde, à avoir sa part de bonheur consumériste et d’amour.

    Mon avis

    Jolene et Artie sont des laissés-pour-compte du libéralisme sauvage des années 1980, où, plus que jamais, tout s’achète, tout se vend, même la vie humaine. Nés dans la merde, sans amour et sans reconnaissance, ils sont sans cesse à la dérive, enlisés dans une reproduction sociale dont il est presque physiquement et mentalement impossible de sortir.

    Tandis que Jolene, désespérée, semble s’excuser d’exister aux yeux méprisants, Artie est plein de rage de prouver au monde sa valeur. Qui a fait d’Artie un délinquant ? Lui-même ? Sa famille ? La société ? Ne méritent-ils pas eux aussi le bonheur matérialiste que vend le capitalisme ? Combien vaut la vie humaine ? Jusqu’où peut-on aller pour survivre ?

    Cette rage qu’Artie porte en lui, c’est la rage de tous les pauvres, de tous ces adultes qui n’ont jamais vu la couleur du rêve, qui n’ont eu que des illusions et des déceptions.

    Dandy incarne la violence du capitalisme exacerbé des années 1980 et qui ne cesse aujourd’hui de faire des ravages dans le monde entier. Il incarne le rêve matérialiste où il faut consommer pour ne pas être considéré comme un raté, où il faut posséder à l’excès jusqu’à ne même plus désirer posséder. Un texte à la fois beau et violent, perturbant, dont la portée dépasse les quelques personnages de ce roman, publié par une toute jeune et prometteuse maison, les éditions Tusitala, dont les livres sont si jolis !

    « Ils pourraient toujours acheter une télé si l’argent continuait à rentrer. Une télé et une radio avec de véritables haut-parleurs. Et des vêtements et des chaussures. Des cigarettes. Et des rideaux. Des couvertures, un canapé, quelques petits soldats pour Dandy. Elle songea à toutes les choses qu’ils pourraient acheter, mais ça ne l’aida pas. Elle ne se sentit pas mieux3. »

    Lisez aussi

    Retour à Cayro et L'Histoire de Bone de Dorothy Allison

    Arpenter la nuit Leila Mottley

    La Route de Los Angeles et Bandini de John Fante

    En crachant du haut des buildings, Dan Fante 

    La Tête hors de l'eau, Dan Fante

    L'Œil le plus bleu, Toni Morrison

    Frankie Addams, Carson McCullers

    Trois hommes, deux chiens et une langouste, Iain Levison

    Un petit boulot, Iain Levison 

    Un job pour tous, Christophe Deltombe

    Demande, et tu recevras, Sam Lipsyte

    La Proie et Le Maître des âmes d'Irène Némirovsky

    Macadam Butterfly, Tara Lennart

    La guerre des mots. Combattre le discours politico-médiatique de la bourgeoisie, Selim Derkaoui et Nicolas Framont

    Dandy
    (Time sharing, titre original)
    Richard Krawiec
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé
    Éditions Tusitala
    2013
    238 pages
    18,50 euros

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 20 Juillet 2014 à 11:10

    Une belle maison d'édition et un livre que j'aimerais lire un jour ou l'autre

    2
    Dimanche 20 Juillet 2014 à 16:51

    Je trouve la mise en page et le papier très confortables, et les couvertures sont jolies !

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