• La Fortune des Rougon ≡ Émile Zola

    la fortune des rougon zola

    La Fortune des Rougon

    (tome 1 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Éditions Georges Charpentier

    1871

    Ah, je ne vous le dirai jamais assez ! Quelle joie de replonger dans l’œuvre de Zola ! J’ai décidé de (re)lire la saga dans l’ordre chronologique de parution, et cela commence avec La Fortune des Rougon. Œuvre magistrale, passionnante, et chronique garantie sans spoiler !

    « L’idée de réussir, de voir toute sa famille arriver à la fortune, était devenue une monomanie chez Félicité1. »

    Pierre Rougon, fils de paysan·nes, aspire à s’extraire de sa classe sociale. Le « cœur sec », l’ambition mesquine, il a un besoin d’assouvissement qui n’a d’égal que celui de son épouse Félicité, fille de commerçant·es. Le couple mise tout sur leurs 5 enfants, qui sont allé·es à bonne école, pour devenir riches et estimé·es à Plassans, une petite ville inspirée d’Aix-en-Provence.

    Nous sommes en décembre 1851, à la veille du coup d’État de Bonaparte qui renverse la Seconde République. Depuis quelques jours, une colonne d’insurgé·es composée d’ouvriers, de bûcherons, et même de quelques femmes et de quelques patrons, se rapproche de Plassans pour atteindre Paris et empêcher le coup d’État. Les Rougon, qui n’accèdent pas à la fortune, voient en ce coup d’État l’opportunité de gagner le pouvoir. Téléguidé·es par leur fils Eugène qui est bonapartiste (voir le tome 6), les Rougon commencent à manœuvrer dans le parti conservateur, auprès des nobles, des bourgeois·es et du clergé, pour faire tourner le vent en leur faveur. Nombreux·ses sont les opportunistes, les envieux·ses, les complaisant·es, qui annoncent La Curée, le tome 2.

    Dans le camp des insurgé·es, il y a le très jeune Silvère, ouvrier et idéaliste, et son amoureuse Miette, âgée de 13 ans, qui se fait exploiter depuis toujours par son oncle méprisant. Leur histoire d’amour illégitime, dans l’ancien cimetière de l’aire Saint-Mittre, ouvre et clôt magistralement le roman.

    « Au loin s’étendaient les routes toutes blanches de lune. Miette avait refusé le bras de Silvère ; elle marchait bravement, ferme et droite, tenant le drapeau rouge à deux mains, sans se plaindre de l’onglée qui lui bleuissait les doigts2. »

    Rencontre avec le livre

    La Fortune des Rougon ouvre la saga de « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire ». A la fois roman historique, avec le coup d’État en décembre 1851, et roman d’amour de Silvère et Miette, La Fortune des Rougon est fait de symétries, d’échos, et son rythme est assez lent pour qu’on ait le temps d’assimiler, de savourer, les événements et les personnages.

    Comme j’ai déjà lu quelques romans zoliens parmi les plus connus, j’ai eu grand plaisir à approfondir ses théories sur l’hérédité, même si c’est pour en montrer ses aspects monstrueux. Ainsi que dans mes précédentes lectures, j’ai adoré la description féroce des personnages, particulièrement des bourgeois·es et des parvenu·es, qui a certainement inspiré Irène Némirovsky. Les Rougon, ainsi que Granoux, Roudier, Vuillet, sont grotesques, calculateur·rices, cupides. J’adore lorsque Zola parle des désirs, des passions, des aspirations maladives. Le camp des républicain·es n’est pas épargné, puisque Aristide est un arriviste et Antoine Macquart un paresseux. Dans le camp républicain, il y a aussi la présence du docteur Pascal, qui fait beaucoup penser à Zola lui-même, car il observe finement les tempéraments tout en portant secours aux insurgé·es. Zola a également une façon de décrire les lieux qui les rend vivants : c’est le cas ici de l’ancien cimetière qui a quelque chose de spirituel et de la colonne d’insurgé·es qui, comme un seul être humain, avance avec détermination vers Paris.

    Les personnages sont vivants et humains, détestables dans leur bassesse, ou sublimes dans leurs élans d’amour et d’humanité. J’ai beaucoup aimé les personnages féminins : il y a d’abord Adélaïde Fouque, la mère de Pierre Rougon, qui n’a pas pu vivre son histoire d’amour illégitime avec le braconnier Macquart. Toute la ville s’est évertuée à blesser cette passion hors mariage, et Adélaïde en est devenue folle de chagrin. Puis Félicité qui depuis toujours a le projet de manipuler son mari pour arriver à ses fins et accéder au pouvoir et à la richesse. Sorte de femme moderne, elle ne se laisse pas faire. Et enfin Miette, travailleuse et volontaire (on en parle, du travail des enfants ?), qui cherche à faire comme les garçons : aussi puissante, rapide et agile que Silvère, elle ne lâchera pas le lourd drapeau rouge que ses ami·es insurgé·es lui ont confié·es.

    J’ai adoré lire La Fortune des Rougon, et je projette de me lancer dans la lecture complète et chronologie des 20 tomes ! Si vous êtes tenté·es de (re)commencer l’aventure, je vous invite à lire la préface et les notes de fin d’ouvrage en dernier, car elles sont bourrées de spoilers !

    Du même auteur

    La Curée, tome 2

    Le Ventre de Paris, tome 3

    La Conquête de Plassans, tome 4

    La Faute de l'abbé Mouret, tome 5

    Son excellence Eugène Rougon, tome 6

    La Terre, tome 15

    Lisez aussi

    La Proie, Irène Némirovsky

    Le Maître des âmes, Irène Némirovsky

    Au-revoir là-haut, Pierre Lemaitre

    Les Célibataires, Henry de Montherlant

    L’ordre moins le pouvoir Normand Baillargeon

     

    1. Page 153. -2. Page 242.

    La Fortune des Rougon

    (tome 1 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Préface de Maurice Agulhon

    Édition d’Henri Mitterand

    Éditions Gallimard

    Folio classique

    2017 (première édition en 1981)

    5,90 euros

    « 6 ans de Bibliolingus : la lecture à contre-courantZoos, le cauchemar de la vie en captivité ≡ Derrick Jensen »
    Partager via Gmail Pin It

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    poli
    Jeudi 18 Janvier 2018 à 16:49

    Oh la la, ça me replonge dans mon adolescence il y a ??? Bon, j'ose l'écrire, plus de 40 ans !!! J'ai lu toute la saga et je l'ai toujours, bien sûr, en Poche pour moi (années 1974-1976). J'ai vraiment apprécié tous les livres, avec des préférences pour certains. Et ma préférence absolue va à L'assommoir que j'ai relu plusieurs fois.

    Je ne me suis jamais lassée de relire la vie de Gervaise : destin ou hasard ??? La grande question toujours sans réponse pour moi.

    Merci pour tous tes partages ; malgré mes très nombreuses lectures, j'ai découvert, grâce à toi, de nouveaux auteurs.

      • Dimanche 18 Février 2018 à 12:32

        Coucou Poli ! Merci beaucoup beaucoup pour tes visites régulières et tes commentaires ! J'en suis au tome 4 et je ne m'en lasse pas, au contraire ! J'ai lu L'Assommoir pour le lycée et j'ai hâte de m'y replonger avec un regard adulte ! Je suis très heureuse que tu trouves ton compte par ici, c'est la raison d'être de Bibliolingus, et c'est toute ma passion ! A très bientôt !

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :