• La Curée ≡ Émile Zola

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    (tome 2 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Georges Charpentier

    1872

    Plusieurs années après le début du Second Empire, on découvre qu’Aristide est devenu extrêmement riche et compte parmi la haute société de Napoléon III. Prêt à tout pour gagner de l’argent, le pouvoir et les honneurs, comme ses parents Pierre et Félicité Rougon dans La Fortune des Rougon (tome 1), Aristide spécule sur les expropriations immobilières d’Haussmann à Paris, alors en pleine transformation. Si ce roman m’a moins plu que La Fortune des Rougon, parce qu’il ne met en scène que les grand·e·s bourgeois·e·s superficiel·le·s, les descriptions des personnages opportunistes et manipulateur·rice·s me plaisent toujours autant. Chronique garantie sans trop de spoiler !

    « La grande préoccupation de la société était de savoir à quels amusements elle allait tuer le temps1. »

    1852, le Second Empire vient d’être proclamé. La curée, c’est le moment de la chasse à courre où les chiens dévorent avidement les bas morceaux de l’animal chassé. Ici, l’animal tué est sans nul doute la République à la suite du coup d’État de 1851, et les chiens sont les notables qui gravitent autour de Napoléon III, et annoncés par le banquet orgiaque qui clôture le tome 1.

    Aristide, l’un des enfants des Rougon de La Fortune des Rougon, quitte Plassans et s’installe à Paris, alors en pleine transformation. Sous la direction de M. Haussmann, la capitale s’endette pour creuser les grands boulevards que l’on connaît aujourd’hui. Aristide, avec ses appétits furieux, sa soif viscérale d’argent et de pouvoir, voit là sa chance de s’enrichir en spéculant sur les expropriations des terrains rasés. Prêt à tout pour réussir et aidé par son frère Eugène (voir le tome 6), Aristide bâtit sa fortune sur des montages financiers certes ingénieux mais à tout le moins risqués et véreux, même si l’État et la ville de Paris ferment volontiers les yeux. En oiseau de proie, Aristide « tendait ses pièges avec les raffinements d’un chasseur qui met de la coquetterie à prendre galamment le gibier2. »

    Au début du roman, Aristide est un financier prospère au sein de l’entourage de Napoléon III. Il s’adonne à toutes les festivités, à tous les vices dans de somptueux bals et de grands dîners, qui lui permettent de mener à bien ses affaires. Dans cette opulence quotidienne, son épouse fait tourner la tête à tout Paris avec ses toilettes éblouissantes, mais les années passant, elle est écrasée par un ennui immense, et par un désir qu’elle n’arrive pas à identifier. Son seul confident est Maxime. En jeune homme initié tôt à la vie de grand·e·s bourgeois·e·s, Maxime s’est jeté dans toutes les jouissances sans se poser de questions.

    « Quand elle traversa les salons, dans sa grande robe de faille rose à longue traîne Louis XIV, encadrée de hautes dentelles blanches, il y eut un murmure, les hommes se bousculèrent pour la voir. Et les intimes s’inclinaient, avec un discret sourire d’intelligence, rendant hommage à ces belles épaules, si connues du tout Paris officiel, et qui étaient les fermes colonnes de l’Empire. Elle s’était décolletée avec un tel mépris des regards, elle marchait si calme et si tendre dans sa nudité, que cela n’était presque plus indécent3. »

    Rencontre avec le livre

    La Curée, tome 2 des Rougon-Macquart de Zola, nous plonge dans la haute bourgeoisie du Paris haussmanien. Dans ce roman de la spéculation véreuse et effrénée, Zola décrit l’orgie et la dépravation des mœurs de ce petit milieu agité d’un furieux appétit de pouvoir, d’argent et d’honneurs. Corruption et népotisme, manipulations et flatteries, débauche et prostitution… tout est bon pour gagner de l’argent et profiter d’un maximum de jouissances.

    Chez Zola, j’aime particulièrement les « parvenu·e·s », ces personnages issus d’une famille pauvre et roturière qui se sont hissés jusqu’à la fortune avec bassesse, cupidité et toute absence de scrupules. Je les avais retrouvé avec délice dans l’œuvre de Némirovsky par exemple ou dans Au-revoir là-haut de Pierre Lemaitre.

    Comme toujours, j’adore la manière sévère dont Zola décrit les personnages, mais ma gourmandise zolienne a été quelque peu freinée dans ce roman par la difficulté à me repérer parmi les nombreux personnages. Si quelques descriptions m’ont aussi paru ennuyeuses, comme la serre d’Aristide, la plupart permettent de mieux appréhender la vie quotidienne dans les années 1850. J’ai certes un peu moins accroché à la lecture de ce roman, certainement parce qu’il ne met en scène que des bourgeois·e·s, à l’inverse de La Fortune des Rougon, mais La Curée prend davantage de sens et de profondeur à mesure que je lis les tomes suivants. Bref, je prends un immense plaisir à dresser peu à peu le tableau complet des Rougon-Macquart !

    Enfin, j’ai été agréablement surprise de rencontrer certains thèmes dans La Curée, comme la transidentité, l’homosexualité masculine et féminine, ainsi que les violences sexuelles. Je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais Zola me semble plus moderne que je ne le pensais, et le relire aujourd’hui est un vrai bonheur !

    Du même auteur

    La Fortune des Rougon, tome 1 des Rougon-Macquart

    Le Ventre de Paris, tome 3

    La Conquête de Plassans, tome 4

    La Faute de l'abbé Mouret, tome 5

    Son excellence Eugène Rougon, tome 6

    La Terre, tome 15

    Lisez aussi

    La Proie, Irène Némirovsky

    Le Maître des âmes, Irène Némirovsky

    Au-revoir là-haut, Pierre Lemaitre

    Les Célibataires, Henry de Montherlant

    La guerre des mots. Combattre le discours politico-médiatique de la bourgeoisie, Selim Derkaoui et Nicolas Framont

     

    1. Page 90. -2. Page 251. -3. Page 205.

    La Curée

    (tome 2 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Préface de Jean Borie

    Édition d’Henri Mitterand

    Éditions Gallimard

    Folio classique

    2017 (première édition en 1999)

    4 euros

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  • Commentaires

    1
    Lundi 19 Février 2018 à 10:53
    Alex-Mot-à-Mots

    Lu il y'a longtemps, j'en garde un souvenir marquant. IL faudrait que je le relise.

      • Lundi 19 Février 2018 à 14:10

        Relire Zola, c'est toujours agréable! Mais celui-ci n'est pas mon préféré des 7-8 que j'ai lus jusqu'à présent!

    2
    poli
    Samedi 24 Février 2018 à 17:05

    Un que je ne préfère pas ! Mais quand même lu il y a longtemps !

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