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    Siamoises Canesi & Rahmani

    Rentrée littéraire 2013

    Opération La voie des indés de Libfly

    Siamoises

    Canesi & Rahmani

    Naïve livres

    2013

    « Vous êtes de l’autre côté du miroir1. »

    Sophie et Marie, deux sœurs, dont le père meurt lorsqu’elles sont enfants. Leur père, l’homme qu’elles aiment, de manière presque sensuelle, a laissé un vide immense. Parti trop tôt, trop brutalement. Traumatisées, l’une et l’autre se construisent autour de la mort. Plus tard, l’une la repoussera par tous les moyens tandis que l’autre l’embellira, lorsqu’elle viendra. Mais trois ans après, alors que leur deuil semble figé, intact, leur mère rencontre Antoine. Même s’il est beau et gentil, il ne peut occuper la place du père adoré.

    « Je ne sais pas si les miroirs ont deux faces, dis-je, mais ce soir nous sommes sur la même2. » 

    Siamoises raconte le deuil de leur enfance, puis leur vie adulte, par tranches. Les tranches, ce sont des micro chapitres (trois pages maximum) qui alternent la narration : Sophie, Marie, Sophie, Marie… L’histoire, découpée à l’extrême en demies-scènes, est décousue.

    Sophie et Marie ont chaque fois trois pages, top chrono, pour exprimer des émotions. Leurs récits, déjà courts, sont écrasés par des descriptions agaçantes de leurs voyages autour de la Méditerranée ; souvent sans verbes et sèches, trop imagées et poétisées, elles sont partout, tout le temps.

    Au résultat, Sophie et Marie n’ont pas beaucoup de consistance. Si dans la première partie l’intérêt est maintenu par la souffrance qu’on imagine ressentir lorsqu’on perd un proche, dans la seconde, douze ans plus tard, on ne sait pas bien pourquoi on continue à les suivre. Elles sont malheureuses, elles portent le deuil en elles. Le drame pèse sur elles, la dramatisation bien française qui habite beaucoup de personnages nés d’auteurs français (malédiction !). Elles sont nostalgiques des deux mois de vacances passés au Maroc avec leur mère. Et quoi d’autre ? Ben, justement, rien. Aucune tension, aucune introspection, aucune sensibilité ; mais place à la description.

    Et les dialogues ! Les dialogues font office de narration : les personnages que rencontrent Sophie et Marie racontent spontanément leur vie et leurs origines, dans des monologues ininterrompus d’au moins une page, une page et demie (« Je suis né à Alger, il y a bien longtemps, de parents républicains qui avaient fui Franco. Mon père et ma père enseignaient l’espagnol, papa au lycée Gauthier, un lycée de garçons, et maman au lycée Delacroix, un établissement pour jeunes filles. J’ai grandi avec mes soeurs dans cette ville magnifique, vous n’imaginez pas à quel point elle était belle. Parfait tenue, la beauté méditerranéenne alliée à la rigueur européenne, notre niveau de vie était élevé3…»). Ils donnent l’impression de réciter, comme s’ils entraient en scène et que venait leur tour de s’exprimer. C’est non seulement invraisemblable, mais en plus maladroit et ennuyeux. On n’a même pas appris à les connaître, à les apprécier, qu’on nous balance leur biographie.

    Mon avis

    Malgré un roman documenté et les jolies évocations sur la gémellité, à travers les personnages, la culture, l’histoire des pays, gémellité qui lie les gens, les villes, les destins, l’histoire manque de sensibilité, les personnages font faux et mènent nulle part. Il n’y a pas de tension, pas de but à la lecture… jusqu’à la troisième et dernière partie, haletante, qui aboutit à une fin surprenante, au point qu’on aurait presque envie de relire du début si le texte n’avait pas eu ces défauts. Dommage que l’histoire n’aie pas été menée autrement, pour distiller plus tôt les interrogations et éveiller l’intérêt. Dommage.

     2/6 challenge album

     

     

    Lisez aussi

    Esprit d’hiver Laura Kasischke

    Jumelles  Saskia Sarginson

     

    1. Page 162. 2. Ibid. 3. Pages 142-143.

    Siamoises

    Canesi & Rahmani

    Naïve livres

    août 2013

    288 pages

    20 euros

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  • Commentaires

    1
    Lundi 30 Septembre 2013 à 10:21
    Alex-Mot-à-Mots

    Le sujet de départ était intéressant, pourtant.

    2
    Lundi 30 Septembre 2013 à 10:48

    Oui ! Mais après c'est mon avis ! Peut-être que qu'un autre lecteur trouvera qu'au contraire, la manière de mener l'histoire était bien faite.

    3
    Silverwater
    Jeudi 3 Octobre 2013 à 12:21
    4
    Jeudi 3 Octobre 2013 à 12:43

    Merci de faire partager l'avis de ce cher Assouline !

    5
    Migueline
    Vendredi 4 Octobre 2013 à 19:17

    Un peu de votre avis, malheureusement, alors que j'attendais beaucoup de ce livre. Quant à la critique d'Assouline, elle n'est pas sympa : quand un roman repose sur un coup de théâtre, c'est sadique de le révéler !

     

    6
    Mardi 10 Décembre 2013 à 22:15

    Rien que pour l'avis d'Assouline, je lirai ce livre si il se trouve à la bibliothèque

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    7
    Samedi 14 Décembre 2013 à 20:00

    Vu que c'est une nouveauté, il faudra attendre un peu :)

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