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    Deep hollow creek

    Sheila Watson

    Éditions Les Allusifs

    2016

     

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    En un mot

    Ce roman canadien écrit dans les années 1930 raconte l’arrivée de Stella, une institutrice, dans un hameau de paysans et d’éleveurs. Elle y contemple la nature rude et les voisins non moins rustres, pudiques et solitaires. Un roman qui se veut peut-être moderne mais qui m’a paru particulièrement abscons et assez radin dans l’économie des mots et des explications.

    « Et personne ne va voir Rose, dit-elle. Personne1. »

    Stella, institutrice, s’installe dans un hameau en Colombie-britannique (à l’ouest du Canada) dans les années 1930. Dans cette région peuplée de coyotes et de tétras, on vit au rythme de la nature, avec des hivers rudes et interminables. Les colons, qui côtoient les indiens avec circonspection, vivent de l’agriculture, de l’élevage des bœufs et des chevaux.

    Dans le hameau, les commérages occupent les habitants, et surtout Mamie, un peu pingre et mesquine, qui de son salon joue à la femme de bonne société. Il y a son mari, le taciturne Bill, son frère Sam et son épouse Rose qui est très isolée ; le marchand Mockett, mais aussi Nicholas Farish, l’ami des indiens.

    Rencontre avec le livre

    Ce roman dont j’ai entendu un résumé alléchant a été une déception. La lecture a été plus laborieuse que plaisante et pas très captivante.

    Il n’y a effectivement aucune contextualisation de temps et de lieu, ni même des personnages. Le personnage principal, Stella, est presque invisible : elle observe la vallée, la nature, écoute les voisins au langage tantôt brusque ou pudique et se ressource dans des soliloques de citations littéraires obscures. D’ailleurs, j’ignore toujours qui elle est, d’où elle vient, et pourquoi elle a choisi cette région reculée pour enseigner. Des personnages sont cités ou apparaissent au hasard des pages, dans la narration ou dans un dialogue (lesquels n’ont pas de tirets d’incise, ça fait avant-gardiste^^) : on devine difficilement qui ils sont, et leurs relations restent assez absconses. On reste dans un flou constant, une forêt de non-dits ; et l’impression d’un texte statique, décousu, est entretenue par la succession de très courts passages elliptiques dans lesquels les personnages sont posés là, sans mouvement, sans déplacement dans l’espace.

    Au final, je trouve qu’il y a une forme de radinerie dans l’économie des mots et des explications. Peut-être que ça fait mystérieux et talentueux mais moi je trouve ça illisible. Pourtant il y avait des choses à explorer : la solitude de cette femme qui force l’émancipation, son goût passionné pour la lecture, la rudesse de ses voisins, la relation avec les indiens et les animaux…

    Comme toujours lorsque je suis face à un texte aussi abscons, je lis deux à trois fois chaque paragraphe. J’ai eu beau lire et relire, le sens profond du texte m’a certainement échappé, mais je crois aussi que l’auteure n’a pas cherché à se rendre « publique », même si l’éditeur affirme que c’est un classique de la littérature canadienne. Heureusement que le livre était court car je n’ai pas pris de plaisir à le lire. Dommage, car le catalogue des éditions Les Allusifs est par ailleurs très intéressant.

     1. Page 18.

    Deep hollow creek
    (titre original)
    Traduit de l’anglais (Canada) par Christophe Bernard
    Sheila Watson
    Éditions Les Allusifs
    2016 (années 1930 pour l’écriture et 1992 pour la première publication)
    150 pages
    12 euros

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  • ne tirez pas sur l'oiseau moqueur bibliolingus

    Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur

    Harper Lee

    Éditions de Falloux

    2005

     

    Publié en 1960, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, à la fois roman de l’enfance et plaidoyer contre le racisme et le sexisme, est un classique à ne pas rater !

    « Votre père ne vaut pas mieux que les nègres
    et la racaille qu’il défend1 ! »

    Dans les années 1930, Scout vit avec son frère Jem et son père Atticus, avocat, dans une petite ville d’Alabama. Avec leur voisin Dill, ils passent leur temps à inventer des stratagèmes pour faire sortir leur voisin Boo Radley qui ne sort jamais de sa maison.

    Un jour, Atticus est commis d’office pour défendre Tom Robinson, un homme noir accusé de viol envers une femme blanche. Peu à peu, le monde simple des enfants se peuple de questions sur celui des adultes, car Maycomb est une petite ville de l’Amérique profonde.

    Mon avis

    Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est une lecture magique et mystérieuse. Publié en 1960, ce roman fait écho encore aujourd’hui car il est à la fois un texte universel sur l’enfance et un plaidoyer contre le racisme qui a fait polémique. Les personnages sont terriblement attachants, avec en point d’orgue Atticus qui fait date dans l’histoire de ma littérature. Sa sagesse, son intégrité, son flegme à toute épreuve, sont désarmants. La relation qu’il entretient avec ses enfants, la manière dont il s’adresse à eux et les éduque en leur montrant comment se comporter dignement et avec tolérance, est honorable.

    Les thèmes abordés sont aussi nombreux que passionnants, comme le racisme et la bêtise humaine, la justice et la peine de mort, le féminisme et le milieu social, l’éducation et la religion… Le charme fou de ce roman tient certainement à la façon dont les sujets dramatiques et complexes sont traités avec la simplicité du regard d’un enfant, avec tendresse, humour, intelligence, et une belle foi en l’être humain.

    En résumé, voilà un roman « total », abouti, à lire absolument ! Un classique que j’ai essayé de faire durer le plus longtemps possible, et que j’offrirai à ceux qui ne l’ont pas encore lu dans mon entourage.

    De la même autrice

    Va et poste une sentinelle Harper Lee

    Lisez aussi

    L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni 

    Mon histoire Rosa Parks

    Tant que je serai noire Maya Angelou

    À jeter aux chiens Dorothy B. Hughes 

    Beloved Toni Morrison

    L'Œil le plus bleu Toni Morrison

    Americanah Chimamanda Ngozi Adichie

    Voici venir les rêveurs Imbolo Mbue

    Frankie Addams Carson McCullers

    L'Histoire de Bone Dorothy Allison

    Décolonial Stéphane Dufoix

     

    1. Page 162.

    Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
    (titre original : To Kill a Mockinbird)
    Harper Lee
    Traduit de l’américain par Isabelle Stoïanov et revu par Isabelle Hausser
    Librairie Générale Française
    Le Livre de poche n°30617
    2006
    450 pages
    6,60 euros

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  • voici venir les reveurs imbolo mbue bibliolingusrentree litteraire 2016 bibliolingus
     

    Voici venir les rêveurs

    Imbolo Mbue

    Éditions Belfond

    2016

     

    Ce premier roman est celui que j’ai le plus attendu de la rentrée littéraire de 2016. D’aucuns diront que le thème est vu et revu, mais il exerce une attractivité indépassable. Voici venir les rêveurs raconte l’emprise du rêve américain sur une famille camerounaise, dans un récit attachant et drôle.

    « Papa et moi, nous voulons que tu ne sois jamais obligé de devenir chauffeur. Jamais. Nous voulons que ce soit toi qui aies un chauffeur1. »

    Jende, Neni et leur fils vivent à New York à Harlem. Jende est parvenu à payer le voyage du Cameroun dans l’espoir incommensurable de vivre le rêve américain. Jende, pourtant sans papiers, vient de décrocher un travail inespéré et bien payé : chauffeur pour M. Edwards, l’un des banquiers de Lehman Brothers. Neni entame ses études pour devenir pharmacienne, tandis que tous les espoirs se fondent sur leur fils qui doit absolument réussir à l’école pour avoir un bon travail ; car ils croient dur comme fer que l’école est le sésame pour réussir aux États-Unis, sans prendre en compte le coût des études et le racisme à l’embauche.

    Au fil des trajets en voiture de son patron, Jende apprend à connaître le monde des riches blancs de Wall Street. En tant qu’employé et serviteur de la famille Edwards, il devient le témoin indiscret de leurs tourments. Mais nous sommes en 2007, et la crise économique déferle sur le monde entier, emportant avec elle Lehman Brothers. Qu’adviendra-t-il de l’emploi de Jende et de sa famille ? La déception n’est jamais loin et l’étau se resserre de plus en plus autour de la famille camerounaise dont le destin est intimement lié à celui de ses employeurs.

    Rencontre avec le livre

    D’aucuns diront que le thème du rêve américain a été vu et revu. C’est vrai, mais il exerce une attraction toujours renouvelée, et il est sans cesse réinventé par la multitude des personnes de toutes origines qui ont tenté leur chance aux États-Unis.

    Le premier roman d’Imbolo Mbue est excellent, fait de personnages attachants, drôles, carrément naïfs, et écrit d’une manière très fluide et rythmée par paliers. Il se lit très facilement et brasse des thèmes intéressants, comme la réussite sociale et ses marqueurs, l’émancipation féminine de Neni, l’acculturation, l’espoir aveugle en l’école et en l’« égalité des chances » (qui constitue une oxymore en soi). Il décrit bien l’envoûtement aveuglant des immigrés qui veulent rester coûte que coûte, car ils prennent naïvement comme exemple Obama, un homme noir qui est devenu président… Ils n’ont pas compris que la classe dominante évolue dans un huis clos dans lequel on n’entre pas facilement.

    Toutefois on peut souligner que le contexte économique est peu présent, ce qui peut en décevoir certains. L’auteure a pris le parti de raconter avant tout l’histoire de la famille camerounaise mêlée à celle des Edwards, et pas de mettre à tout prix la petite histoire dans la grande histoire.

    Par ailleurs, j’ai trouvé intéressant que la famille Edwards ne soit pas traitée de façon manichéenne (même les gens les plus aisés peuvent souffrir et ressentir la solitude), bien que je regrette que la famille camerounaise ne se rende pas toujours compte de l’exploitation dont elle peut être victime.

    Un très bon roman qui donne la voix à une femme africaine : c’est encore trop rare, alors il faut sauter dessus.

    Lisez aussi

    Littérature

    L'Intérieur de la nuit Léonora Miano (Cameroun)

    Tels des astres éteints Léonora Miano

    Crépuscule du tourment Léonora Miano

    Les Aubes écarlates Léonora Miano

    L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni 

    Histoire d'Awu Justine Mintsa (Gabon)

    Petit pays Gaël Faye (Burundi et Rwanda)

    Le Chœur des femmes Martin Winckler

    Beloved Toni Morrison

    L'Œil le plus bleu Toni Morrison

    Mon histoire Rosa Parks

    À jeter aux chiens Dorothy B. Hughes 

    Notre case est à Saint-Denis 93 Bouba Touré (Mali, Sénégal)

    Les Maquisards Hemley Boum (Cameroun)

    Une si longue lettre Mariama Bâ (Sénégal)

    Décolonial Stéphane Dufoix

    1. Page 80.

    Voici venir les rêveurs
    (Behold the dreamers)
    Traduit de l’anglais (Cameroun) par Sarah Tardy
    Imbolo Mbue
    Éditions Belfond
    2016
    432 pages
    22 euros

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