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    Sept jours pour une éternité Marc Levy Bibliolingus

    Sept jours pour une éternité

    Marc Levy

    Robert Laffont

    2003

     

    J’ai écrit cet article dans le cadre du challenge Écris-moi une critique odieuse de Mina. Lorsque j’ai créé mon blog, il y a deux ans, le 6 janvier 2012, je m’étais fixée trois objectifs : faire connaître les éditeurs indépendants, rendre justice aux auteurs peu connus du XXe siècle qui n’ont pas vendu deux palettes de livres et critiquer l’un des romans de Marc Levy.

    Pourquoi lui ? Parce que je sais que, avec le succès planétaire qu’il rencontre, je ne lui ferai pas un grand tort (je respecte le temps et l’engagement des auteurs). Et parce qu’il est dénigré par les critiques littéraires dit « sérieux » qui préfèrent l’ignorer, et apprécié par les magasines dit « populaires ». Au milieu, entre professionnalisme et dilettantisme, j’ai voulu écrire ce que je pensais des textes de Marc Levy. J’ai voulu dire pourquoi je ne les aimais pas, mais aussi pourquoi je comprenais en quoi ce sont des succès commerciaux (qui doivent beaucoup aux milliers d’euros déversés pour les campagnes publicitaires), et ce sont souvent pour les mêmes raisons.

    C’est également une manière de montrer qu'il ne faut pas seulement juger la qualité d'un livre par rapport aux nombres d'exemplaires vendus et au nombre d'articles et de chroniques télé qui lui sont consacrés. Le succès doit beaucoup aux moyens financiers et matériels que les éditeurs peuvent mettre en œuvre. Le marketing et les copinages avec les journalistes des grands quotidiens doivent beaucoup au succès d'un livre. C'est donc une manière d'attirer l'attention sur un phénomène qui masque une multitude d'auteurs et de livres qui méritent autant d'attentions, et même parfois davantage parce qu'ils sont moins étranglés par la question de la rentabilité, laquelle influe souvent sur le contenu du livre.

    Si je remplis autant que je peux les deux premiers objectifs, je n’avais toujours pas franchi le cap du troisième. Il est pénible de se farcir volontairement un livre et un auteur qu’on n’aime pas.

    Mais voilà que grâce à Mina, la chose est faite. Entre deux papiers cadeaux, je lisais Sept jours pour une éternité, d’abord excitée à l’idée d’écrire mon odieuuuuse critique (mais attention au spoil), puis ennuyée à l’idée de le lire jusqu’au bout. Mais je l’ai fini : je suis sincère avec les livres, et avec ceux qui lisent mes articles. Bonne lecture !

    « Avant de te rencontrer, Zofia, je pensais que les vrais bonheurs de cette terre n’existaient que dans les mauvais bouquins, c’est comme ça, paraît-il, qu’on les reconnaissait1. »

    Le Bien et le Mal s’affrontent depuis des milliers d’années, c’est ce que dit la quatrième de couverture. Pour commencer, une vision aussi manichéenne donne plutôt envie de fuir. Dieu et Satan, un peu comme des ennemis égaux devenus complices à force de jouer des muscles, se sont lancés un grand défi : ils envoient l’un et l’autre leur meilleur agent qui ont sept jours pour remporter la partie et décider qui du Bien ou du Mal gouvernera le monde.

    Là, on est en droit de s’interroger sur les intentions de l’auteur : faut-il rire d’un tel manichéisme ? d’une telle simplicité ? est-ce au contraire une dénonciation ? C’est pile ou face : soit vous acceptez l’histoire comme elle vient, vous jouez le jeu et vous vous laissez emporter à partir de cette base stupide, et la lecture peut être agréable ; soit votre esprit prosaïque rejette en bloc et vous refermez le livre.

    Mais continuons. La représentation de Dieu et Satan confirme le manichéisme du livre. Dieu, appelé le Patron, assis à son bureau, a les yeux bleus et une belle carrure malgré les années : c’est l’archétype du beau et du bon mâtiné de sagesse. Il est le patron d’une petite entreprise : on ne s’adresse à lui qu’avec respect et que quand lui le désire, en échange il est très agréable mais exigeant. Son équipe est aimable, patiente et dévouée. Satan est dans le bureau d’à côté, puisque leurs administrations occupent chacune une partie de la même tour qui domine San Francisco. Méprisant et agressif, il se fait appeler Président et ses larbins sont obséquieux, laids et stupides, comme dans tous les bons mauvais livres.

    Zofia, la représentante de Dieu, est la générosité la plus pure. Elle est très belle mais vierge, car les anges ne connaissent pas l’amour comme les humains. Elle partage sa vie entre son travail de chef de la sécurité des docks, les bons soins aux SDF et aux toxicos, ses cours d’histoire pour les aveugles et les lectures pour les enfants malades à l’hôpital. Elle vit chez une vieille dame, Reine, qui incarne la sagesse.

    Zofia, gluante d’attention et de bons sentiments, respecte les limites de vitesse et offre même un sourire à la contractuelle, laquelle va à son tour donner ce sourire aux personnes qu’elle va rencontrer. C’est aussi simple que ça : faire le bien, c’est un sourire, une attention, un petit geste, qui ne changent pas le monde mais qui le fait avancer. Gluante, je vous dis.

    Parfois Zofia, si dévouée aux autres, a elle aussi besoin d’une épaule sur laquelle se poser. Heureusement, lorsqu’elle rentre le soir, Reine l’attend avec ses albums photo et ses petits gâteaux au chocolat. Une main tendre sur le genou, elle lui dit des choses réconfortantes de grand-mère qui a fait son temps et espère que sa petite fille adoptive vivra un jour pleinement sa vie de femme. Elle la mettra même en garde mais fichtre ! les jeunes n’en font qu’à leur tête.

    Lucas, le beau gosse qui représente Satan, c’est le méchant qui roule toujours dans de belles voitures volées. Machiavélique, il embrasse à lui seul les sept péchés capitaux et provoque la mort sur son passage.

    Mais jeunes, beaux et uniques comme ils sont, ils n’auraient pas pu ne pas se croiser. Le premier jour du pari, arrive ce qui devait arriver : Lucas s’immisce dans la vie de Zofia et ils ont un coup de foudre. Les opposés s’attirent, comme on dit. Après une suite de quiproquos vus des milliers de fois dans les mauvaises comédies romantiques, ils découvrent leur identité d’ange et de démon et cherchent une solution avant le septième et dernier jour du pari. La première essaie d’être méchante pour entrer dans son monde à lui et renoncer à sa gluante gentillesse ; le second tente d’être gentil mais c’est vraiment plus fort que lui d’aider un vieux à traverser le passage piéton (si, si !). Mais ils ne peuvent pas changer de nature et ils s’aiment l’un l’autre précisément pour ce qu’ils sont.

    Follement épris, ils consomment leur amour (et Zofia tombe enceinte, c’est une évidence) et perdent l’un et l’autre leur statut d’ange et de démon. Devenus de simples humains, ils vivent une vie heureuse avec leur marmots, un garçon et une fille (c’est l’autre évidence). Dieu et Satan, comme des grands pères qui ont fini par s’accepter l’un et l’autre, se promènent bras dessus bras dessous dans un parc, car le bien et le mal ne sont que les deux faces de l’humanité et ne peuvent vivre séparément, à l’image de nos deux héros.

    « Avec ce troisième roman, [Marc Levy] nous faire croire de nouveau à l’incroyable, et nous entraîne dans un univers plein d’humour, de tendresse et de rebondissements2. »

    Il faut le dire, la recette de Sept jours pour une éternité est efficace : de l’action rapide comme dans les meilleurs mauvais films, de l’amour sans nuance, de l’humour convenu même pas drôle, une symétrie facile à assimiler, des supra gentils, des méchants en fait gentils et des méchants vraiment méchants. C’est une machine à lire où tout est calculé pour fabriquer une lecture facile, pour divertir sans prendre la tête. Même la typo est énorme dans l’édition grand format et dans le poche.

    Est-ce là ce qu’on attend de la littérature ? On a l’impression de lire sans être impliqué dans l’histoire : c’est trop facile et rapide pour apprécier l’histoire d’amour, c’est trop creux et trop caricatural pour être pris au sérieux, c’est trop débile pour éprouver un quelconque attachement pour les personnages.

    Ceux et celles qui lisent ce type de livre attendent quelque chose d’autre de la littérature. J’aimerais leur montrer d’autres livres tout aussi efficaces, plus profonds et nuancés, plus captivants et faciles à lire quand même.

    1. Page 238. -2. Extrait de la quatrième de couverture.

     

    Sept jours pour une éternité

    Marc Levy

    Pocket

    2004

    312 pages

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  • Commentaires

    1
    Lundi 3 Février 2014 à 11:44
    Alex-Mot-à-Mots

    Il ne reste plus qu'à attendre le verdict....

    2
    Lundi 3 Février 2014 à 11:49

    Je n'ai pas remporté le maximum de votes Alex, mais je suis quand même contente d'avoir participé :)

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    3
    Lundi 3 Février 2014 à 16:21

    Oh la la .... Lu il y a tellement longtemps que je ne me souvenais même plus de l'histoire !! C'était l'époque où je prenais plaisir à lire du Marc Levy... !

    4
    Lundi 3 Février 2014 à 16:43

    Dans mon souvenir, son premier roman tenait bien la route, mais bon j'avais 15 ans aussi ;)

    5
    Lundi 3 Février 2014 à 16:47

    Même chose pour moi ;) Ca ne nous rajeunit pas tout ça...!

    6
    Secrète Louise
    Vendredi 7 Février 2014 à 12:36

    Lorsqu'on critique un auteur bien souvent c'est le lecteur qui se sent visé. Je n'aime pas Lévy, j'ai lu un seul livre et je n'avais pas accroché il y a fort longtemps. Comme il en faut pour tous les goûts, c'est bien que ce genre existe. Mais c'est normal de pouvoir le critiquer aussi. Félicitation pour ta critique!

    7
    Vendredi 7 Février 2014 à 22:05

    Merci !

    8
    Tania
    Jeudi 20 Février 2014 à 21:11
    Marc Levy c'est pour être lu dans le métro par des gens qui ne lisent pas non ? Perso je déteste ce genre d'auteurs mais je crois que la pire reste Amélie Notomb. Bon, après j'ai tendance à penser qu'il vaut mieux lire ça que ne pas lire du tout. C'est comme lire Métro plutôt que Le Monde...
    9
    Samedi 22 Février 2014 à 19:18
    Noann Lyne
    Probablement une des pires daubes que j'aie jamais lues (et je totalise des milliers de lectures) Bon article que je partage
    10
    ....................
    Vendredi 11 Avril 2014 à 09:06

    ".....cette   histoire  est  vraie  pour  beaucoup  d' humains ; c' est la mienne   en tout  cas  et  elle   s' est mal terminée.Un  mal  pour  un  bien   , un  13...Je  vous  jure  que  c' est vrai !"

    11
    Mardi 27 Mai 2014 à 18:52

    Bonsoir, cette critique n'est pas si odieuse que cela. Cela n'est pas injurieux. Bravo. Personnellement, je n'ai jamais encore rien lu de Marc Levy, de Guillaume Musso ou d'Amélie Nothomb ou même Harlan Coben. Je ne m'en porte plus mal. Mais il y a des lecteurs. Et c'est grâce à ce genre de "littérature" que le secteur du livre semble survivre. C'est dommage, mais c'est comme ça. Bonne soirée.

    12
    Jeudi 29 Mai 2014 à 14:58

    J'aimerais croire que ceux qui lisent ces romans lisent d'autres choses mais je ne pense pas que ce soit le cas. Mais oui, ça fait vivre le secteur du livre ;) Merci pour ton commentaire ! A bientôt !

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