• Comment devenir lesbienne en 10 étapes Louise Morel Bibliolingus

    Comment devenir lesbienne en 10 étapes

    Louise Morel

    Éditions Hors d’atteinte

    2022

    Concours sur Instagram !

    Pour les 12 ans de Bibliolingus, j’ai choisi de vous présenter Comment devenir lesbienne en 10 étapes de Louise Morel, car cet ouvrage me semble d’utilité publique : il pulvérise l’idée profondément ancrée en chacune de nous, dès l’enfance, que l’hétérosexualité est naturelle, incontournable, et même bénéfique. Un livre inspirant, relativisant, drôle, doux et nuancé. Offrez-vous le.

    « Nous sommes très nombreuses à avoir arpenté les terres désolées de l’hétérosexualité avant de rejoindre le pays de Cocagne lesbien1. »

    Posez-vous sincèrement cette question : qu’est-ce qui vous pousse à relationner avec des hommes ? pourquoi rechercher la compagnie d’une personne qui ne prend pas sa part de charge mentale et émotionnelle au sein du couple ? pourquoi nous évertuer à éduquer notre partenaire, à nous battre chaque jour pour obtenir le minimum dans notre couple, quitte à passer pour une personne exigeante, énervée et hystérique ? qu’est-ce qui nous pousse à nous satisfaire d’une relation médiocre (au sens étymologique de « moyenne »), et prétendre avoir tiré le meilleur lot parmi les hommes, parce qu’il y a pire ailleurs ? qu’est-ce qui nous pousse à nous jeter dans les bras de ceux qui sont précisément les auteurs de violences verbales et physiques ? 

    « Avant de devenir lesbienne, encore faut-il se rendre compte qu’on n’est pas hétéra en vertu d’une volonté divine ou d’une cause naturelle, mais bien parce que toute la société nous a gentiment mis la pression pour qu’on finisse un beau jour par coucher avec Corentin, et qu’on soit convaincue d’aimer ça. C’est même le rôle de Corentin que la société patriarcale a vainement tenté de faire jouer à certaines d’entre nous, les femmes transgenres2. »

    Est-ce par attirance réelle ? par conformisme ? pour avoir des enfants et faire famille ? ou parce qu’on ignore que les femmes sont probablement de meilleures partenaires de vie ?

    « Quels que soient votre âge, votre situation de couple ou de famille, et quel qu’ait été votre passé, votre futur peut être lesbien3. »

    Franchement, on mérite mieux que ça. Mais la société nous pousse à ne jamais interroger notre orientation sexuelle. L’hétérosexualité est partout, dans l’ensemble des productions culturelles et médiatiques. Elle est présentée comme le seul horizon possible et souhaitable pour mener une vie épanouie. Tout nous conduit à désirer être hétérosexuelle.

    Pourtant, au même titre que tous les autres aspects de la vie, je pense que l’hétérosexualité n’est pas naturelle, elle est une construction sociale

    Il en va de même pour la rivalité entre femmes, qui nous empêche, du point de vue individuel, de nous épanouir dans des relations affectives entre femmes (qu’elles soient amoureuses ou amicales), et, du point de vue collectif, de nous organiser contre le patriarcat.

    « À mon sens, la sororité commence par le refus de faire dépendre sa valeur de la validation masculine de son corps, de ses idées et de son travail. L’énergie qu’on ne met plus à tenter de convaincre les hommes qu’on est intéressante, intelligente, jolie ou tout simplement digne de considération, on peut alors la diriger vers soi-même et vers les autres femmes4. »

    « Mais sincèrement : qu’est-ce qu’un homme apporte qu’une femme ne pourrait pas faire, et en mieux5 ? »

    Certes, une fois qu’on quitte les « sentiers boueux6 » de l’hétérosexualité, c’est normal de douter, d’avoir un sentiment d’imposture, surtout quand on a relationné avec des hommes pendant des années. Mais, comme le dit l’autrice, rien n’empêche de changer, même si on n’a pas trouvé de « signes annonciateurs » de lesbianisme dans notre enfance. À 20 ans, 30 ans, 40 ans, 70 ans, on a le droit de chercher le bonheur ailleurs. Interrogeons-nous sur ce qu’on ne veut plus revivre et sur notre avenir. Il n’est jamais trop tard pour prendre conscience de la force et les qualités extraordinaires des femmes, de toutes les femmes. Maintenant.

    « On n’est pas “moins lesbienne” parce qu’on l’est devenue plus tard et on a toujours le droit de changer. Les frontières du continent gouin sont ouvertes : vous êtes libre de les traverser à votre guise7. »

    Mon avis

    Voilà un livre que j’offrirais à toutes mes amies si j’en avais les moyens ! Pour moi, « la question est vite répondue », car je suis bisexuelle depuis que je suis ado, ce n’est pas un secret, mais ça m’énerve de voir mes amies errer de date en date, de plus en plus déçues, ou tenir à bout de bras une relation insatisfaisante, voire malsaine.

    Cet ouvrage est à mon sens d’autant plus précieux et précis qu’il a été écrit par une personne qui est devenue lesbienne « sur le tard ». Sans jamais émettre de jugement, elle répond aux questions légitimes qu’on peut se poser : comment draguer d’autres femmes quand on est habituée au désir masculin très entreprenant et omniprésent ? Comment être « lisible » dans une société qui considère qu’on est toustes hétérosexuel·les par défaut ? Comment faire ses coming out à ses proches (et doit-on nécessairement le faire) ? Comment faire l’amour entre femmes (si tant est qu’il y ait une réponse à cette question) ?

    Cela dit, je vais faire la même remarque que pour Révolution amoureuse de Coral Herrera-Gomez : les conditions matérielles font qu’il peut être indispensable de s’attacher les faveurs d’un homme pour survivre économiquement, ou avoir un toit sur la tête par exemple. Et, pris sous un autre angle, on pourrait passer sous silence ses désirs lesbiens (pltôt inconsciemment) pour ne pas cumuler les oppressions (sexisme, racisme, validisme, grossophobie).

    Cet ouvrage, publié par les éditions Hors d’atteinte, indépendantes et engagées et illustré par Citlali Souloumiac, est conçu comme un guide, étape par étape, aussi bien à destination des « bébé-gouines» que des proches qui veulent comprendre le chemin vers le lesbianisme. 

    Et parce que le lesbianisme (politique) est une forme de résistance au patriarcat, j’ai choisi de vous proposer un concours pour gagner un exemplaire : rendez-vous sur mon compte instagram jusqu’au 12 janvier pour tenter votre chance !

    Je terminerai par ces mots : bravo les lesbiennes !

    Lisez aussi

    Essais

    Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange

    Les Humilié·es Rozenn Le Carboulec

    Révolution amoureuse Coral Herrera Gomez

    Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges Christelle Murhula

    Beauté fatale Mona Chollet

    Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert

    Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Éliane Viennot

    Tirons la langue Davy Borde

    Le Deuxième Sexe 1 Simone de Beauvoir

    Le Ventre des femmes Françoise Vergès

    Ceci est mon sang Elise Thiébaut

    Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier

    Libérées Titiou Lecoq

    Non c'est non Irène Zeilinger

    Rage against the machisme Mathilde Larrère

    Nous sommes tous des féministes Chimamanda Ngozi Adichie

    Manifeste d'une femme trans Julia Serano

    Pas d'enfants, ça se défend ! Nathalie Six (pas de chronique mais c'est un livre super !)

    Littérature et récits

    Le Chœur des femmes Martin Winckler

    Vivre ma vie Emma Goldman

    La Commune Louise Michel

    Assata, une autobiographie Assata Shakur

    Une si longue lettre Mariama Bâ

    L'Œil le plus bleu Toni Morrison

    Le Cantique de Meméia Heloneida Studart

    Instinct primaire Pia Petersen

    Histoire d'Awu Justine Mintsa

    Une femme à Berlin Anonyme 

    Bandes dessinées

    Camel Joe Claire Duplan

    L’Histoire d’une huître Cualli Carnago

    Corps à coeur Coeur à corps Léa Castor

    Livre non chroniqué

    Le Génie lesbien Alice Coffin

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    Comment devenir lesbienne en 10 étapes

    Louise Morel

    Illustré par Citlali Souloumiac

    Éditions Hors d'atteinte

    2022

    224 pages

    16 euros

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  • L'histoire d'une huitre Cualli Carnago Bibliolingus

    L’histoire d’une huître, ou comment j’ai failli rater ma vie sexuelle

    Cualli Carnago

    Éditions La Musardine

    2021



    L’histoire d’un vagin

    L’autrice et illustratrice Cualli Carnago, une jeune femme racisée, raconte sa vie, de l’enfance jusqu’au début de la trentaine. Ses parents et leur héritage émotionnel, le rapport à son corps de jeune femme métisse dans une société blanche ; et, surtout, sa sexualité et ses relations amoureuses, même si, on le sait, tout cela est intimement lié dans la construction de l’identité.

    Comment dépasser l’éducation de ses parents et leurs propres souffrances ? Comment découvrir son corps et sa propre sexualité, au-delà des injonctions sociétales, des représentations stéréotypées et des tabous ? Comment communiquer avec ses partenaires amoureux et sexuels et créer une relation intime, complice et épanouissante ?

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    Mon avis

    Spontanément, je n’ai pas voulu écrire une chronique sur L’histoire d’une huître publiée par les éditions La Musardine : malgré mon engouement, les sujets qu’elle aborde me paraissaient trop intimes, trop indiscrets pour les partager, et, d’autre part, je vous réservais déjà quelques chroniques de livres féministes et intimistes. Et puis, je suis allée voir sa fiche sur Babelio, histoire de lire ce qui se dit sur ce roman graphique et en mesurer sa popularité… Mais à lépoque, il n’y avait qu’une seule critique ! Personne ne s’est exprimé sur ce petit bijou ?! Ni une ni deux, j’ai pris mon clavier…

    Dans ce roman graphique, Cualli Carnago nous invite dans sa vie intime et touchante. Elle nous raconte ses difficultés, ses découvertes, ses évolutions, avec sincérité, humour et courage. Même si je n’ai pas connu toutes les problématiques qui jalonnent son parcours, il a beaucoup résonné en moi.

    La mise en image est super bien faite. Car, au-delà de l’illustration de la jeune Cualli à différents âges de la vie (où les cheveux ont une grande importance), les planches sont habitées par toutes ses voix qui l’assaillent, comme l’incarnation du petit cœur qui attend de pouvoir sortir de sa cage pour exprimer et recevoir de l’amour sans peur d’être blessé, ou encore l’incarnation du monstre intérieur qui vient saboter notre estime et notre amour-propre.

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    Les sujets qu’elle aborde doivent justement sortir de l’intimité pour devenir publics et politiques. Même si tout cela est en train de changer, nous ne parlons pas assez du désir sexuel (ou de son absence), du vaginisme, de l’introversion, de la dépression, du manque de confiance qui nous empêche de nous découvrir, d’être nous-mêmes, de faire ce que nous aimons, et qui nous force à nous conformer à des stéréotypes qui nous font du mal. 

    Ce livre, c’est une sorte de petit cadeau que Cualli Carnago nous fait, et je vous invite, à votre tour, à en bénéficier en plongeant dans L’histoire d’une huître.

    Lisez aussi

    Illustrés

    Léa Castor Corps à cœur Cœur à corps 

    Claire Duplan Camel Joe 

    Récits

    Dorothy Allison Deux ou trois choses dont je suis sûre

    Maya Angelou Tant que je serai noire

    Anonyme Une femme à Berlin

    ♥ Jeanne Cordelier La Dérobade

    Gabrielle Deydier On ne naît pas grosse

    ♥ Emma Goldman Vivre ma vie

    ♥ Assata Shakur Assata, une autobiographie

    Littérature

    ♥ Dorothy Allison Retour à Cayro (200e chronique)

    Erika Nomeni L'Amour de nous-mêmes

    Martin Winckler Le Chœur des femmes

    Erika Nomeni L'Amour de nous-mêmes

    Virginie Despentes Baise-moi

    Heloneida Studart Le Bourreau

    Heloneida Studart Le Cantique de Meméia

    Essais

    Coral Herrera Gomez Révolution amoureuse

    Irène Zeilinger Non c'est non

    Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe 1

    Mona Chollet Beauté fatale

    Mathilde Larrère Rage against the machisme

    Laurène Levy Mes trompes, mon choix !

    ♥ Pauline Le Gall Utopies féministes sur nos écrans

    Christelle Murhula Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges

    ♥ Valérie Rey-Robert Une culture du viol à la française

    Julia Serano Manifeste d'une femme trans

     

    L’histoire d’une huître, ou comment j’ai failli rater ma vie sexuelle

    Cualli Carnago

    Éditions La Musardine

    2021

    200 pages

    17 euros

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  • Faiminisme Nora Bouazzouni Bibliolingus

    Faiminisme

    Quand le spécisme passe à table

    Nora Bouazzouni

    Editions Nouriturfu

    2017

    Comment la nourriture, le genre et le spécisme sont-ils intimement liés ? Comment l’alimentation permet-elle, encore aujourd’hui, d’asservir les femmes au sein d’un régime hétéro-patriarcal et spéciste ? Dans cet essai court, incisif, documenté, emprunt d’humour grinçant, Nora Bouazzouni donne à voir l’ensemble des constructions sociales qui régissent notre vie et nos sociétés. Une lecture instructive !

    « Si les femmes continuent d’assumer seules les repas à la maison, écrivent des livres de cuisine, tiennent des blogs culinaires ou postent des #pornfood sur Instagram, dans les restaurants, ce sont les mâles qui tiennent les fourneaux1. »

    Comment se fait-il que les femmes soient assignées depuis toujours à la préparation domestique des repas, et qu’il n’y ait que des chefs gastronomiques hommes connus ? Pourquoi les femmes sont, encore aujourd’hui et dans le monde entier, majoritairement paysannes, alors que les terres qu’elles cultivent appartiennent à 80 % à des hommes ? Pourquoi ce sont les agricultrices françaises qui sont davantage passées en bio ? 

    « Lutter contre l’exclusion systémique des femmes dans l’agriculture, sécuriser leur emploi et leur donner pouvoir et autonomie aura donc un effet immédiat voire notoire sur la faim, mais aussi des conséquences bénéfiques à plus long terme, comme réhabiliter la souveraineté alimentaire de pays du Sud qui, depuis la “révolution verte” des années 1960-1990, ont abandonné une agriculture diversifiée et raisonnée afin d’exporter plus en restant compétitifs2. »

    « On peut noter le paradoxe de l’homme s’estimant naturellement supérieur tout en jugeant que ce qui est naturel doit être amélioré3… »

    Pourquoi les femmes sont-elles plus petites et plus menues ? Pourquoi sont-elles davantage touchées par l’obésité et les troubles alimentaires du comportement dans les pays occidentaux, et par la famine dans les pays pauvres ?

    « Si je ne peux plus assassiner les animaux pour me nourrir, je ne suis plus maître de la nature. De la même manière si je ne peux plus siffler une femme dans la rue sans qu’elle me retourne une gifle, je ne suis plus maître de l’espace public. Si je ne peux plus dire à une collègue que son jean lui fait un sacré beau cul sans qu’elle me poursuive pour harcèlement sexuel, je ne suis plus maître de l’espace professionnel. En gros, si je ne me comporte plus comme si tout m’était dû, je perds mon statut de prédateur et je deviens, à mon tour, une proie. Sauf qu’il n’y a de proie que s’il y a un prédateur. Si l’homme respecte les animaux et les femmes, il n’en mourra pas. Possiblement le contraire4. »

    « Lire Simone de Beauvoir en mangeant un steak, est-ce trahir la cause5 ? »

    Pourquoi, depuis la préhistoire, les femmes ont-elles été confinées à la gestion de la cueillette, tandis que les hommes se consacraient à la chasse ? Quels liens peut-on établir entre la domestication des animaux, la soumission des femmes et la mise en esclavage des personnes racisées ? 

    « Comparer la sphère domestique à une cage n’est pas innocent. Réifiée, contrôlée et exploitée par les hommes, la femme semble partager le même destin biologique que les animaux : pérenniser l’espèce humaine, en se reproduisant et en la nourrissant, gratuitement, de gré ou de force6. »

    Pourquoi la viande est-elle un symbole de virilité, en opposition au « lobby végéta*ien », alors que ce sont les femmes qui ont besoin de plus de protéines et de fer ?

    « De la même manière que les gens se demandent souvent comment une lesbienne peut s’épanouir sexuellement sans homme, nombreux sont ceux qui se demandent comment les végétarien⋅nes peuvent s’épanouir nutritionnellement sans viande. On leur demande “Mais alors, qu’est-ce que tu manges ?” avec la même incompréhension perplexe qu’on demande aux lesbiennes “Mais alors, qu’est-ce que vous faites7 ?”. » (Marti Kheel, écoféminste et antispéciste)

    « D’un côté, on répète aux petites filles qu’il faut “souffrir pour être belle” dès leur plus jeune âge, de l’autre on se moque des femmes qui s’infligent des pratiques de beauté douloureuses et dépensent des fortunes pour entrer dans la norme8. » 99

    Pourquoi les femmes font-elles davantage de régimes que les hommes ? Pourquoi ont-elles davantage recours à la chirurgie esthétique ? En quoi les femmes grosses sont, d’une certaine manière, un symbole de la résistance au patriarcat ?

    « Aux femmes, nous apprenons que la méritocratie passe aussi par le corps, et que ses efforts seront récompensés. Sinon, essaie encore. Et quiconque déroge à la règle ou se laisse aller est immédiatement punie : les magazines féminins ou people se chargent de pointer un doigt accusateur sur celle qui n’a pas perdu ses kilos de grossesse, qui n’a pas fait suivre son clafoutis d’une séance d'abdos ou qui ne fait rien contre cette vilaine cellulite. En somme, celle qui ne s’inquiète pas assez de savoir si elle est baisable9. »

    « Nous sommes censées expier notre condition de femme, ce corps dégoûtant, tentateur et naturellement laid sauf lorsqu’il est sexualisé. Résignées à ce constat instigué et entretenu par un système qui cherche à subordonner les femmes par tous les moyens possibles, nous avons intégré le mépris de notre propre corps et la nécessité de l’améliorer, même si l’idéal est, par essence, inatteignable. Comme le dit Virginie Despentes, “être complexée, voilà ce qui est féminin”. La femme moderne n’est pas semblable à Sisyphe que dans dans la “frénésie épilatoire” décrite par Mona Chollet, elle est condamnée à une autre forme de pénitence, celle du régime permanent. Printemps : il faut bosser dur pour être présentable sur la plage avec le fameux “bikini body” (sous-entendu, il n’y a qu’un type de morphologie qui soit légitime à se dénuder, vous n’allez quand même pas risquer de déclencher une nausée collective parmi les vacanciers). Rentrée : il faut perdre les kilos accumulés pendant l’été et les cubis de rosé descendus en mangeant des churros. Automne : penser à préparer son corps avant les fêtes (c’est-à-dire perdre du poids avant de se gaver comme une oie). Hiver : idem après les fêtes, où il faut détoxifier ses organes (rappel : ça ne veut rien dire) et éliminer foie gras, champagne et chocolat. Et voilà que le printemps pointe déjà le bout de ses rayons, les corps se dénudent et personne n’a envie de voir vos bourrelets dégueus. Rebelote10. »

    Mon avis

    Cet ouvrage était dans ma pile à lire depuis quelques années. Je l’avais même emprunté à la bibliothèque une première fois, mais sa mise en page, certes originale, est composée dans une typo que je n’aime pas particulièrement, ce qui avait repoussé ma découverte. Mais, en 2022, Myriam Bahaffou en fait mention dans son livre Des poussières sur le compost aux éditions du passager clandestin (un ouvrage fondamental, précieux, unique en son genre, et, pour tout dire, l’un des meilleurs essais que j’ai lus ces deux dernières années).

    J’ai surmonté l’obstacle de la mise en page pour me plonger dans cette lecture : grand bien m’en a pris ! Elle croise tout un ensemble de faisceaux pour montrer combien tout est une question de construction sociale, même les choses qui nous paraissent les plus « naturelles » et les plus intimes… À lire, et à méditer !

    Lisez aussi

    Essais sur le spécisme

    Aymeric Caron Antispéciste

    Collectif Faut-il arrêter de manger de la viande ?

    Derrick Jensen Zoos. Le cauchemar de la vie en captivité

    Martin Page Les animaux ne sont pas comestibles

    Jonathan Safran Foer Faut-il manger les animaux ?

    Peter Singer La Libération animale

    ♥ Ophélie Véron Planète végane

    Essais sur le féminisme

    Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe 1

    Mona Chollet Beauté fatale

    Mathilde Larrère Rage against the machisme

    ♥ Pauline Le Gall Utopies féministes sur nos écrans

    Christelle Murhula Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges

    ♥ Valérie Rey-Robert Une culture du viol à la française

    Julia Serano Manifeste d'une femme trans

    Carolyn Steel Le ventre des villes

    Littérature

    ♥ Upton Sinclair La Jungle

    ♥ Dorothy Allison Retour à Cayro (200e chronique)

    Erika Nomeni L'Amour de nous-mêmes

    Martin Winckler Le Chœur des femmes

    Récits

    Dorothy Allison Deux ou trois choses dont je suis sûre

    Maya Angelou Tant que je serai noire

    Anonyme Une femme à Berlin

    ♥ Jeanne Cordelier La Dérobade

    Gabrielle Deydier On ne naît pas grosse

    ♥ Mika Etchébéhère Ma guerre d'Espagne à moi

    ♥ Emma Goldman Vivre ma vie 

    Rosa Parks Mon histoire 

    ♥ Assata Shakur Assata, une autobiographie

    Illustrés

    Léa Castor Corps à cœur Cœur à corps 

    Claire Duplan Camel Joe 

    Jeunesse

    Ruby Roth Ne nous mangez pas !

     

     

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    Faiminisme

    Quand le spécisme passe à table

    Nora Bouazzouni

    Editions Nouriturfu

    2017

    120 pages

    14 euros

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