• Penser par soi-même ≡ Harald Welzer

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    Penser par soi-même

    Harald Welzer

    Éditions Charles Léopold Mayer

    2016

     

    En un mot

    Par quels mécanismes psychologiques la société et les individus parviennent-ils à occulter la catastrophe écologique ? Comment parvenons-nous à justifier notre léthargie, à nous trouver des excuses pour ne pas agir dans un monde en proie à la destruction ? L’ouvrage de Harald Welzer, volontiers rentre-dedans, analyse finement les ressorts psychologiques de notre passivité et nous exhorte à sortir de notre zone de confort, et à agir de manière écologique à notre échelle. 

    « On considère comme une évidence d’avoir toujours plus de tout, toujours plus vite et toujours moins cher1. »

    Pourquoi les images catastrophiques des changements climatiques, telle la banquise qui s’effondre, ne parviennent-elles pas à nous faire adopter des attitudes plus écologiques ? Pourquoi trouvons-nous normal de posséder une voiture qui passe 95 % de son temps au garage ? Pourquoi tolérons-nous que nos vêtements achetés à bas coût soient fabriqués par des travailleur·se·s exploité·e·s à l’autre bout du monde ? Pourquoi ne peut-on plus envisager que nos enfants héritent de nos meubles (surtout s’ils viennent de chez IKEA) ? Pourquoi les « crises » économiques, environnementales, les « pics » de pollution, sont-ils considérés comme des perturbations temporaires ? 

    Notre modèle de société est pourtant obsolète. Le capitalisme et l’industrialisation du XIXe siècle reposent sur des conditions structurelles, démographiques, environnementales qui ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Dans la mesure où les ressources ne sont pas infinies, la course à la croissance ne peut plus être le moteur de notre société. Comme le dit Harald Welzer, notre société est en train de « s’écrouler sans bruit comme une maison grignotée par les termites2 », sans mettre en place d’autres stratégies de survie, viables et à grande échelle.

    Pourquoi, malgré les signes d’alerte, la majorité des dirigeant·e·s et des populations continue à faire comme si de rien n’était ? N’est-ce pas l’effet de groupe qui pousse à l’inertie, comme dans la rue où les gens se regardent en chiens de faïence lorsqu’un accident se produit ? Comment la nature expansive et la quête du « toujours plus » du système capitaliste influent-elles profondément sur nos perceptions mentales, nous qui aimons toujours nous améliorer, être plus performant·e·s ?

    « Notre modèle de civilisation si incroyablement brillant fait face à une finitude qu’il n’avait encore jamais rencontrée. C’est d’ailleurs pour cela qu'il ne la prend toujours pas en compte, bien qu’elle soit là. Notre machine civilisation n’a aucune difficulté à l’ignorer : malgré les nombreux signes d’érosion, malgré la menace palpable des conséquences sur le marché financier et dans le domaine social, malgré la politique environnementale, malgré tous les pics et toutes les dettes, nos infrastructures continuent de fonctionner comme si de rien n’était3. »

    Rencontre avec le livre

    L’ouvrage de Harald Welzer, volontiers rentre-dedans, a le mérite d’aborder la question écologique sous un angle intéressant : par quels mécanismes psychologiques la société et les individus parviennent-ils à occulter la catastrophe écologique ? Comment parvenons-nous à justifier notre léthargie, à nous trouver des excuses pour ne pas agir dans un monde en proie à la destruction ? Le changement est effectivement irrémédiable, la question est de savoir si nous le ferons progressivement, en disposant de notre marge de manœuvre de plus en plus réduite, ou si nous y serons forcé·e·s par les conditions extérieures.

    Interrogeons-nous sur les choses du quotidien, posons un regard nouveau sur chaque geste, et demandons-nous : est-ce viable ? est-ce écologique ? comment faire autrement ? Les solutions dont parle Harald Welzer sont celles que j’évoque souvent dans d’autres chroniques, sur les réseaux sociaux, et dans la page « Alternatives » du blog : la politique du « zéro déchet », l’économie circulaire qui consiste à penser la fabrication d’un produit pour pouvoir être entièrement recyclé ; les coopératives entre voisin·e·s, les AMAP, les ressourceries ; les transports en commun ; le végéta*isme bien sûr…

    Selon Harald Welzer, il ne faut pas attendre la prise de décision aux niveaux national ou international (surtout que les gouvernements sont phagocytés par les multinationales depuis des décennies). N’attendons pas de transformation commune ; une multitude d’initiatives asynchrones, contradictoires, hétérogènes sont à l’œuvre. Mieux vaut agir à titre individuel pour entraîner dans notre sillage notre famille, nos ami·e·s, nos voisin·e·s, nos commerçant·e·s de quartier. On peut essayer, réussir ou se tromper, avancer par petits pas concrets. On peut consommer selon nos choix politiques, car comme le dit Anna Lappe : « Chaque fois que vous dépensez de l'argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez. »

    Certes, il faut sortir de sa zone de confort, changer ses habitudes, assumer sa différence ; car comme Harald Welzer le souligne, être différent·e de la norme sociale demande sans cesse de se justifier. Il s’appuie sur l’exemple du végéta*isme : puisqu’il va à l’encontre de normes sociales très ancrées, il demande une certaine forme de courage et de résistance. Pourtant, cet acte quotidien est le plus écologique qui soit.

    Selon les recherches de Harald Welzer, il faut seulement 3 à 5 % de la population pour commencer un changement sociétal durable et profond : alors, vous en êtes ?

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    1. Page 17. -2. Page 16. -3. Pages 15-16.

    Penser par soi-même
    (“Selbst denken. Eine Anleitung zum Widerstand”) 

    Harald Welzer
    Traduit de l’allemand par Lucie Robin
    Éditions Charles Léopold Mayer
    2016
    272 pages
    23 euros

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  • Commentaires

    1
    Mardi 14 Mars 2017 à 10:33
    Alex-Mot-à-Mots

    3 à 5  ? Ca me parait peu. mais finalement, pourquoi pas.

      • Mercredi 15 Mars 2017 à 19:39

        C'est vrai! Quand on voit qu'on a réussi à faire passer le mariage pour tous et toutes, on peut croire à une société plus écologique, plus durable et respectueuse des autres :) Merci de ton passage!

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