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    Le Bal

    Irène Némirovsky

    Grasset et Fasquelle

    1930

    Les singeries des nouveaux riches

    M. et Mme Kampf se sont pris pour des gens du monde depuis qu’ils sont devenus riches. À toute heure du jour ils paradent devant les domestiques, toujours soucieux des rumeurs que ces derniers colporteraient. Alors ça se vouvoie, ça se déguise et ça prend un ton affecté dans une préoccupation constante de l’apparence noble, au risque d’être ridicules et grossiers.

    « Surtout […] n’oublie pas de ne pas [laisser ton veston] traîner ici comme l’autre fois… J’ai bien vu à la figure de Georges et de Lucie qu’ils trouvaient cela étrange qu’on se mette au salon en bras de chemise1… »

    Prendrons-nous la particule ? – Attendons dix ans pour ça, vois-tu ! – Alors, organisons un bal pour montrer combien nous sommes aisés et reconnus ! C’est ici que l’histoire commence : un bal avec deux cents invités, pour épater la galerie. Qui inviter ? Une foule de personnes qui, dit-on, sont « des gens très bien » mais qu’on ne connaît pas, finalement. Que pouvons-nous proposer à manger ? Des sandwiches au caviar qui en mettront plein la vie, mais mettons-les assez loin car tout le monde se jettera dessus…

    « Si on te demande quelque chose, […] tu diras que nous habitions le Midi toute l’année… Tu n’as pas besoin de préciser si c’était Cannes ou Nice, dis seulement le Midi… à moins qu’on ne t’interroge ; alors, il vaut mieux dire Cannes, c’est plus distingué2… »

    « Être la plus belle, la plus éblouissante, les hommes à ses pieds3 ! »

    Mais ces « nouveaux riches » ont une fille, Antoinette, âgée de quatorze ans, qui rêve de rencontrer l’amour et souffre d’une mère trop orgueilleuse pour observer que sa fille est malheureuse.

    « Et un jour… pour la première fois, ce jour-là elle avait désiré mourir… au coin d’une rue, pendant une scène, cette phrase emportée, criée si fort que des passants s’étaient retournés : "Tu veux une gifle ? Oui ? " et la brûlure d’un soufflet… En pleine rue… Elle avait onze ans, elle était grande pour son âge… Les passants, les grandes personnes, cela, ce n’était rien… Mais, au même instant, des garçons sortaient de l’école et ils avaient ri en la regardant : "Eh bien, ma vieille…" Oh ! ce ricanement qui la poursuivait tandis qu’elle marchait, la tête baissée, dans la rue noire d’automne… les lumières dansaient à travers ses larmes. "Tu n’as pas fini de pleurnicher ? Oh, quel caractère !... Quand je te corrige, c’est pour ton bien, n’est-ce pas ? Ah ! et puis, ne recommence pas à m’énerver, je te conseille…" Sales gens4… »

    Qu’elle se pare des plus beaux bijoux ou qu’elle délègue les besognes à la bonne, Mme Kampf, sous ses airs de grande dame, n’en est pas moins malheureuse. Ce bal, plus qu’une mise en scène futile, est l’espoir de vivre enfin en plaisant aux hommes, d’aimer et d’être aimée.

    « L’argent, les belles toilettes et les belles voitures, à qui bon tout cela s’il n’y avait pas un homme dans la vie, un beau, un jeune amant ?... Cet amant… comme elle l’avait attendu5. »

    Mais que se passera-t-il quand Antoinette saura qu’elle n’aura pas le droit de participer au bal ?

    Mon avis

    Dans un roman court, drôle et cynique, Némirovsky singe la nouvelle bourgeoisie en quête d’une respectabilité dont la société sait combien elle est factice, risible, voire pitoyable. 

    Pourtant, résolus à s’intégrer au beau milieu du Paris des années 1920, ils se plient aux règles de cette société qui, elle-même superficielle, est indifférente au destin de M. et Mme Kampf. La déception sera difficile à encaisser, mais c’est un vrai plaisir de lecture !

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    Le Bal

    Irène Némirovsky

    Éditions Grasset

    Collection Les Cahiers Rouges

    2008

    140 pages

    6,90 €

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 13 Avril 2012 à 15:48
    Dominique
    Bonjour je viens de découvrir votre blog via Babelio
    ce roman est un petit bijou, je crois l'avoir offet et fait lire à une bonne dizaine de personnes
    il est également sorti en livre audio et je m'en suis régalée également la lecture est très réussie
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    2
    Vendredi 13 Avril 2012 à 17:35
    Lybertaire

    Oui, court mais intense, comme le fait très bien Némirovsky ! Par contre j'ai été un peu déçue par la fin.

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