• L’Empire des lumières ≡ Kim Young-ha

    Salon du livre Paris 2016

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    L’Empire des lumières
    Kim Young-ha
    Éditions Philippe Picquier
    2009

     

    Kiyeong, un agent nord-coréen envoyé en Corée du Sud depuis vingt ans, reçoit un ordre qui le place devant un choix décisif.

    « Exerce-toi à passer inaperçu et tu atteindras l’état de grâce de l’agent parfait1. »

    Au premier abord, Kiyeong est un homme ordinaire. La quarantaine bedonnante, importateur de films étrangers et père de famille, il est « sans histoire », et pour cause. Depuis vingt ans, il vit une double vie d’agent infiltré à Séoul par les services secrets de la Corée du Nord. Mais depuis dix ans, il est devenu un agent dormant car il n’a plus reçu de missions.

    « Abandonne tout et rentre immédiatement. Cet ordre est irrévocable2. »

    Un jour, il voit sa vie basculer lorsqu’il reçoit l’ordre de tout quitter et de rentrer en Corée du Nord le lendemain. Il a 24 heures, dont chacune forme un chapitre du livre, pour décider de son destin. Kiyeong retrouve ses réflexes d’agent secret et nous plonge dans sa double vie à cheval entre les deux Corées. Va-t-il obéir et rentrer ? Se cacher ? S'enfuir ?

    « Comme le dit Paul Bourget, il faut vivre comme l’on pense, autrement l’on finit par penser comme l’on vit. Kiyeong a peut-être oublié son destin, mais son destin ne l’a pas oublié3. »

    Pour finir

    L’Empire des lumières raconte l’histoire d’un agent dormant à Séoul depuis vingt ans qui reçoit l’ordre de revenir en Corée du Nord. À travers l’ensemble des personnages, Kiyeong, sa femme, sa fille et des personnages secondaires très fouillés, se dessine une société sud-coréenne désabusée, empreinte d’une sorte de lassitude et d’hébétude. Car effectivement, les Sud-Coréens, en moins d’une génération, sont passés d’une société très fermée proche de la Corée du Nord, à une société hypercapitaliste, de consommation de masse et américanisée.

    Les personnages sont pris dans l’histoire très particulière de leur pays. Jeunes, ils projettent leurs idéaux et leurs angoisses dans l’avenir ; vieux, ils ne ressemblent plus à ce qu’ils ont été avant et s’interrogent sur ce qu’ils ont manqué en chemin. Chacun cherche un sens à sa vie dans une société qui a changé bien trop vite, à travers l’affection, la perversité, le fanatisme.

    Les thèmes sont assez universels et obsessionnels des écrivains (la quête de l’identité), et une place de choix est faite à l’introspection (ce n’est pas du James Bond !). L’intérêt du roman est dans le rapport que Kiyeong entretient avec les trois pays : la Corée du Nord, la Corée du Sud avant 1980 et celle d’aujourd’hui. Ces mystérieux pays, ni glorifiés ni dénigrés, donnent tout crédit à ce roman, mais j’aurais aimé aller plus loin dans l’observation des sociétés et des mœurs.

    « Il enlève sa montre et la dépose dans son tiroir à la place de la montre de plongée Sunnto. Cette montre est le cadeau de mariage de sa femme. Elle est en plaqué or 114 carats et son style démodé manque de classe. De classe ? Kiyeong trouve soudain étrange sa propre perception de l’objet, la sévérité de son jugement esthétique. Dans le pays qu’il a quitté, vous risquiez de gros ennuis à émettre des jugements personnels sur la beauté ou la laideur. Comme dans un cyborg remis à neuf, ses yeux, son cœur et son disque dur ont été remplacés par ce qui se fait dans le Sud. Et cela sans qu’il s’en soit aperçu. Peut-être que quelqu’un l’a anesthésié pendant qu’il dormait et a changé tous ses organes4. »

    L’Empire des lumières, publié par les éditions Philippe Picquier, est prenant, habilement rythmé grâce aux chapitres qui représentent chacun une heure. La tension est nourrie dans les détails et les personnages apparemment insignifiants, et les 100 dernières pages tiennent particulièrement en haleine. Pour autant, si la fin n’a pas été à la hauteur de mes attentes, car je m'attendais peut-être à quelque chose de plus spectaculaire, le temps passé avec les personnages et la Corée a été captivant. À lire pour s’inviter dans la culture coréenne et découvrir le salon de Paris 2016.

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    1. Page 81. - 2. Page 36. -3. Page 204. -4. Page 74.

     

    L’Empire des lumières
    (Titre original : Biteui Jeguk)
    Traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel
    Kim Young-ha
    Éditions Philippe Picquier
    2009
    384 pages
    20,50 euros

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