• En crachant du haut des buildings Dan Fante

     En crachant du haut des buildings

    Dan Fante

    13e note éditions

    2013

     

    Le double romanesque de Dan Fante raconte sa dérive entre petits boulots et lendemains de cuite.

    « À New York, la plupart des laveurs de carreaux sont des alcoolos ou des malades mentaux »

    Bruno Dante, le double romanesque de Dan Fante, vient tout juste d’arriver à New York. Il ne connaît pas du tout la ville mais il a besoin de gagner de l’argent pour continuer à écrire sa pièce de théâtre. Le voilà qui se rend dans une agence d’intérim pour trouver un petit boulot. Chauffeur de taxi, laveur de vitres, employé de cinéma… Les entretiens d’embauche se succèdent, pendant lesquels il est traité en souris de laboratoire, ainsi que les jobs humiliants, mal payés et précaires.

    C’est aussi que Bruno, qui raconte à la première personne, a quelques petits problèmes, à commencer par son alcoolisme notoire, ses accès de violence et son état dépressif.

    Pour finir

    En crachant du haut des buildings, court roman publié par 13e note éditions, renoue avec l’éternelle problématique de l’écrivain : comment vivre de son écriture ? Comment dégager assez de temps pour écrire tout en payant le loyer ?

    Certes, cette autofiction montre les travailleurs jetables, la précarité des contrats et des rémunérations (le plus souvent à la tâche), mais le récit est trop factuel, composé d’une succession d’expériences sans retour d’analyse. Il ne faut pas y voir la volonté expresse d’étudier les travers d’une société capitaliste et déshumanisée.

    La dérive psychologique du narrateur est tout aussi factuelle : les petits boulots se succèdent, mêlés de crises de démence et d’épisodes sordides à peine évoqués. Finalement, le narrateur nous est étranger, laissant peu de place à l’introspection — mais n’est-ce pas à cause de l’alcoolisme qui annihile l’identité ?

    Le style sec, composé de phrases courtes qui laissent peu d’émotions, ainsi que le manque d’humour ajouté à l’aspect factuel, fait de cette autofiction un ensemble fluide et bien rythmé, mais sans plus. Ni dénonciateur, ni trash, ni intime, et moins abouti que La Tête hors de l’eau du même auteur. C’est le récit d’un pochard à New-York.

    Du même auteur

    La Tête hors de l'eau

    Lisez aussi

    La Route de Los Angeles John Fante

    Bandini John Fante

    Un petit boulot Iain Levison 

    Tribulations d'un précaire Iain Levison

    Le Cœur au ventre Thierry Maricourt

    Retour aux mots sauvages Thierry Beinstingel 

    L’Homme au marteau Jean Meckert

    Je vous écris de l'usine Jean-Pierre Levaray 

    Un job pour tous Christophe Deltombe

    L'Histoire de Bone Dorothy Allison

    Dandy Richard Krawiec 

    Boulots de merde ! Enquête sur l'utilité et la nuisance sociales des métiers Julien Brygo et Olivier Cyran

    Le Dernier Verre Daniel Schreiber

    1. Page 93.

    En crachant du haut des buildings
    Spitting Off Tall Buildings (titre original)
    Dan Fante
    Traduit de l’anglais (États-Unis) par André Roche
    13e note éditions
    Collection Pulse (poche)
    2013
    210 pages
    9,50 euros

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  • La Tête hors de l'eau Dan Fante

     La Tête hors de l’eau

    Dan Fante

    Christian Bourgois éditeur

    (désormais disponible chez 13e note éditions) 2001

     

     

    Bruno Dante, alcoolique au bout du rouleau et écrivain quand il n’est pas dépressif, a décidé de s’inscrire aux Alcooliques anonymes.

    « Ici on est tous d’anciens alcoolos, junkies ou accro au crack1. »

    Bruno Dante, le double romanesque de Dan Fante, a tout du loser au bout du rouleau : écrivain jamais publié, alcoolique, dépressif sujet à des accès de démence ou de violence, dépensier et toujours fauché… N’en jetez plus ! L’homme est broyé par les excès, au fond du trou, mais il essaie de s’en sortir avec les réunions des Alcooliques anonymes.

    « Dans la rue, en allant au magasin, j’ai eu comme un éclair de compréhension. Ma vraie difficulté − mon problème −, ce n’étaient pas mes accès de dépression ou mon alcoolisme ou mes échecs professionnels, ni même la peur inexprimée d’être un foutu cinglé. Mon problème, c’étaient les gens. Et il y en avait partout2. »

    « La vente par téléphone est un curieux test de survie3. »

    Le voilà qui décroche, grâce à son contact ex-alcoolo, un poste dans une entreprise de télémarketing. Son nouveau job : vendre des cartouches d’encre par téléphone. A coups de tromperie et de manipulation, les télévendeurs s’acharnent à longueur de journée. C’est à celui qui décrochera le plus gros pigeon en vendant un maximum de cartouches.

    Avec toutes sortes de primes et de concours, le patron cultive l’esprit de compétition et exige un surinvestissement constant de la part de ses télévendeurs qui n’ont même pas le statut de salarié, puisqu’ils sont embauchés en tant que travailleurs indépendants. Facilement éjectables et flexibles, exonérés de charges fiscales et sociales, c’est tout bénéf pour le patron qui n’hésite pas à encourager ses champions pour maintenir la pression au sein de l’équipe et empêcher la solidarité de naître.

    Chacun pour soi, chacun sa prime. Vous quittez gaiement votre travail le vendredi pour aller aussitôt fêter la paie hebdomadaire que vous venez de recevoir. Les avantages sociaux sont réduits à peau de chagrin, l’avenir est incertain, mais l’argent peut couler à flot si vous savez entuber avec talent vos interlocuteurs.

    Pour finir

    Dans la lignée des beatniks, Bruno Dante sombre dans les excès et la dépression. À l’image de l’auteur, Dan Fante, fils du grand écrivain John Fante, Bruno n’a pas la vie facile.

    À la fois pathétique et provocateur, carrément détraqué mais souvent drôle, il nous fait voir comment la valeur du travailleur se mesure à l’aune de sa productivité (et de sa rentabilité). Dieu Flexibilité, permettez-nous de vendre toujours plus de cartouches d’encre et à moindre coût !

    Pourtant, Bruno Dante ne se laisse pas facilement appréhender. Même si La Tête hors de l’eau est écrit à la première personne, le récit est factuel, peu interrompu par des réflexions, même lorsque le personnage apprend une nouvelle grave.

    D’autre part, l’écriture de Dan Fante n’est-elle pas surtout cathartique ? Car même le héros de la nouvelle que Bruno Dante écrit ressemble à s’y méprendre à Bruno/Dan. Le double romanesque, même s’il a l’air très proche de l’auteur, permet quand même de créer une distanciation, car il faut du cran pour écrire ce texte, par ailleurs souvent drôle, et beaucoup d’autodérision.

    Malgré l’impression d’un personnage imperméable et réservé sur ses sentiments, La Tête hors de l’eau est un roman super bien rythmé, qui envoie sec à chaque page. Les frasques de Bruno Dante et les descriptions des personnages, tantôt attachants, tantôt antipathiques, sont percutantes qui l’emportent sur les quelques défauts du roman. Si vous aimez ce genre, alors c’est pour vous !

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    Le Dernier Verre Daniel Schreiber

    1. Page 51. -2. Page 18. -3. Page 47.

     

    La Tête hors de l’eau
    (Mooch, titre original)
    Traduit de l’américain par Jean-Pierre Aoustin
    Dan Fante
    Christian Bourgois éditeur
    Collection 10/18
    Domaine étranger
    2004
    224 pages
    Désormais chez 13e note éditions
    dans la collection de semi-poche Pulse

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