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    Du journalisme après Bourdieu

    Daniel Schneidermann

    Éditions Fayard

    1999

     

    Oui, mais...

    Daniel Schneidermann, ancien journaliste au Monde et présentateur de l’émission méta-journalistique Arrêt sur images, s’adresse à Pierre Bourdieu : oui, vous avez raison quand vous dénoncez les ennemis du journalisme, lesquels sont « Urgence, Simplification, Suivisme, Présupposés non explicités, Pensée unique, Audimat et Sensationnalisme, Connivence, Cynisme, Autocensure1. » Mais…

    Par le biais d’exemples (la couverture médiatique de la mort de la princesse Diana, des banlieues, de l’affaire Mazarine Pingeot), il reprend une à une les attaques du sociologue quasi incontesté du Collège de France. Il atteste des vérités que l’éminent sociologue pointe, tout en justifiant et nuançant certains faits. Et soucieux de préserver l’objectivité de son travail, il remet également en cause la démarche sociologique de Bourdieu, qu’il estime pauvre en preuves et en débats avec contradicteurs.

    Les travers du journalisme

    « Le journalisme de masse est un champ de ruines. Sa crédibilité est saccagée. Sous le vernis du 20 heures affleure en permanence l’évidence du divertissement2. »

    Ce petit ouvrage reprend les fondements du métier de journaliste : comment définit-on le bon journalisme ? Comment choisir entre information rapide et information précise ? « Est-il préférable de publier le lendemain un article amputé ou bien d’attendre le surlendemain pour offrir un compte rendu complet3 ? » Quelle importance donner au fait divers ? Comment couvrir un événement en peu de mots/temps sans trahir les faits ? Faut-il simplifier au risque de tromper le lecteur/spectateur ?

    « Toute saga économique ou diplomatique, toute crise internationale, tout conflit social, tout fait divers […] comporte toujours des éléments que les journalistes sont tentés de gommer ou d’atténuer parce qu’ils leur paraissent nuire à la "lisibilité" de l’affaire qu’ils relatent4. »

    « Ils braquent aussi les projecteurs sur les détails extrêmes, sur le paroxysme des crises, laissant dans l’ombre la quasi-totalité de la réalité, coupable d’être trop banale, terne, sans intérêt5. »

    Si Schneidermann revendique la nécessité des débats contradictoires dans Arrêt sur images, Bourdieu et d’autres intellectuels rejettent ces débats avec les contradicteurs et préfèrent argumenter leurs idées lors d’une conférence ou dans un ouvrage.

    « [L’intellectuel] doit-il se contenter de publier, dans des livres arides, le résultat de ses recherches, ou bien doit-il s’efforcer de gagner à ses théories le public le plus large possible ? Refuser de s’exprimer dans les médias, n’est-ce pas renoncer à transmettre son savoir au plus grand nombre ? Mais aller aux médias, n’est-ce pas prendre le risque de la dénaturation, de la simplification6 ? »

    Au cœur de toutes les problématiques liées au journalisme, se trouve le temps : combien de temps faut-il pour réunir toutes les informations nécessaires au traitement d’un sujet ? combien de temps lui consacrer au journal ? combien de temps de parole accorder aux personnalités du débat ?

    Mon avis

    Schneidermann brosse un portrait tout en nuance du journalisme : la télévision publique, privée ou câblée, la presse écrite, les présentateurs, les animateurs… Tout le monde y passe, pour une meilleure approche d’un milieu qui colle notre quotidien.

    Certes, les propos de Schneidermann, tout comme ceux de ses contradicteurs, sont discutables : en ce sens, Du journalisme après Bourdieu mérite le détour, mais ne suffit pas. Se contenter de lire cet ouvrage serait réducteur : pour aller plus avant dans la réflexion sur le journalisme et sa fonction dans la société, d’autres lectures et documentaires se rapportent aux dérives du journalisme français.

    Lisez aussi

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    1. Page 8. -2. Page 13. -3. Page 29. -4. Page 35. -5. Idem. -6. Page 6. 

    Du journalisme après Bourdieu

    Daniel Schneidermann

    Fayard

    1999

    150 pages

    13,50 €

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