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Cent ans de solitude
Gabriel García Márquez
Seuil
1968
L’histoire formidable de la famille Buendia sur sept générations, et celle de Macondo, un village du littoral colombien, de sa fondation à sa ruine.
Au commencement, il y eut un village
« Il persuada ses hommes qu’ils ne rencontreraient jamais la mer. Il leur ordonna d’abattre des arbres pour dégager une clairière à proximité du cours d’eau, à l’endroit de la rive où il faisait le plus frais, et ils y fondèrent le village1. »
José Arcadio et Ursula Buendia et 21 autres jeunes gens ont quitté leur région natale, de l’autre côté de la Sierra, pour fonder leur propre village, Macondo, sur le littoral colombien. Tout reste à inventer, et c’est magique. Ils bâtissent leurs maisons près d’une rivière et vivent en communauté, en toute anarchie.
José Arcadio, d’un caractère insatiable et passionné, est fasciné par les inventions scientifiques et les mécanismes des objets que rapportent les gitans. Il n’aura de cesse de chercher à prouver l’existence de Dieu et déjouer les lois de la nature par mains procédés.
Sa femme Ursula est le pilier de la longue lignée des Buendia. En femme de tête, elle incarne l’esprit de la famille et porte le poids de la maison sur ses épaules ; elle dirige tout ce qui s’y passe et résistera à toutes les pressions, toutes les incuries pour préserver sa famille et le village.
Puis il y eut la guerre
À eux deux, ils fonderont une incroyable lignée de Buendia, où chacun de ces hommes et femmes aura un destin extraordinaire. Durs à cuire, fougueux, talentueux, aussi prompts à faire fortune qu’à faire la guerre, ils connaîtront la gloire et la décrépitude, les illusions et les désenchantements, la passion et l’amertume, les excès et l’abnégation.
Au fil des décennies, le village s’agrandit : des rues se créent, le commerce amène toujours plus d’habitants. On s’approprie les terres, on s’embourgeoise, on instaure des décrets, une mairie, une police, une école, une église… Puis il y aura la guerre entre les conservateurs et les libéraux, et Aureliano se jettera de toute son âme dans le conflit.
Pour finir
Racontée comme une fable, la vie des Buendia est peuplée d’extravagances et d’aventures, de passions incestueuses et d’excès en tous genres, de fantaisie et de présages, de victoires et de tragédies. Les personnages, si nombreux soient-ils, sont attachants et composent ensemble une fresque au goût d’éternité et de recommencements. Parce qu’ils racontent la vie, ses heurts et ses joies. Dans ce récit foisonnant au ton biblique, d’une richesse et d’une inventivité rares, la frontière entre la vie et la mort est poreuse, tout comme entre la science et la magie. Outre la solitude, cette fable résonne comme un refus de l’autorité, un appel à l’anarchisme, ainsi qu’un refus du progrès qui exacerbe la nature cupide de l’homme.
Une (re)lecture indispensable pour celui ou celle qui a soif d’humanité et qui veut refermer un livre en ayant plus envie que jamais de vivre, de s’ouvrir aux autres.
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1. Page 28.
Cent ans de solitude
(Cien años de soledad, titre original)
Traduit de l’espagnol par Claude et Carmen Durand
Gabriel García Márquez
Éditions du Seuil
1968
394 pages
26 euros
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Brésil. Dans les pas du géant
Patrice Montagu-Williams
Éditions Nevicata
2014
Masse critique de Babelio
« Il n’y a pas “un” Brésil mais “des” Brésils1. »
Coupe du monde de football en juin 2014, Jeux olympiques en 2016… Des événements d’envergure internationale dont peut profiter le Brésil pour sortir de la misère et de la corruption, ou bien continuer à nourrir d’illusions les millions de pauvres brésiliens.
Les enjeux sont de taille. Dans ce pays démesuré, par sa superficie, son Amazonie, son peuple et ses croyances, les inégalités sociales sont criantes, le racisme économique latent malgré un fort métissage et la corruption endémique. Tandis que d’un côté on ravage l’Amazonie et les derniers peuples indiens pour en faire des champs agricoles à perte de vue, de l’autre les villes comme Rio de Janeiro et São Paulo croulent sous les favelas, ces bidonvilles où germent la pauvreté, la violence, l’injustice.
« Il n’y avait pas de tout-à-l’égout, me dit Jorge [Jorge Mario Jáuregui, l’architecte argentin qui a construit le téléphérique à Rio de Janeiro]. Ni d’eau potable, bien sûr. L’électricité, il fallait la détourner en implantant des dérivations clandestines sur les transformateurs. On appelait ça des papagayos, des perroquets. Quant aux titres de propriétés, personne n’en possédait. Les résidents ne payaient pas d’impôts à l’État ou à la municipalité. Mais, en contre partie, ils n’avaient droit à rien : ni école, ni dispensaire, ni poste de police. En plus, les bandes taxaient tout ce qui leur tombait sous la main. Même le droit d’aller se servir à la fontaine, un kilomètre plus bas. Sans compter qu’on pouvait être expulsé par quiconque se prétendait propriétaire du taudis où l’on vivait2. »
Mais le Brésil a aussi tout pour fasciner. La culture y est vraiment populaire, avec par exemple la samba, le football et les télénovelas, et contrairement à beaucoup de pays dans le monde, le Brésil a su se préserver de la culture américaine écrasante. Il réunit aussi les paysages les plus impressionnants, enchevêtrant la végétation tropicale et l’urbanisme le plus étouffant qui soit. Difficile d’y être indifférent !
Pour finir
Brésil. Dans les pas du géant, qui fait partie de la collection L’âme des peuples chez les éditions Nevicata, propose un panorama culturel, historique, politique et écologique du pays. L’auteur, qui n’est ni brésilien ni spécialiste du Brésil, mais amoureux sincère du pays, raconte un récit de voyage dont on se fiche un peu en soi, mais qui lui permet de nous décrire tous ces endroits et ces événements qui font l’identité du peuple brésilien. La seconde partie de l’ouvrage, presque plus intéressante que la première, réunit deux entretiens avec des spécialistes.
L’objectif de cet ouvrage est atteint : acquérir une connaissance de base pour approfondir par la suite, même si l’on peut regretter une prise de position économique assez traditionnelle (toujours la sacro-sainte croissance pour aider le pays) et un manque d’esprit critique par rapport aux problèmes de société (mais c’est difficile en 96 pages).
La collection s’impose aussi par l’objet lui-même, qui est plus petit qu’un livre de poche (et donc trop mignon), avec une couverture très belle et une mise en page originale. Dès lors que vous avez refermé ce livre, vous aurez hâte de connaître les autres titres de la collection et de découvrir d’autres cultures et d’autres peuples ! Une réussite éditoriale, un bel objet et une lecture instructive.
Challenge littérature brésilienne
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Brésil. Dans les pas du géant
Patrice Montagu-Williams
Isabel Lustosa et Claudio Frischtak (entretiens)
Éditions Nevicata
Collection L’âme des peuples
2014
96 pages
9 euros
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