-
Désobéir à la pub
Collectif Les Désobéissants
Le Passager clandestin
2009
« On vit le “métro-boulot-dodo en rêvant “soleil-vacances-auto1” »
Désobéir à la pub ? Pourquoi ? Parce que l’avalanche de publicités, partout sur nos écrans, nos journaux, nos rues, nos bus, nos bâtiments publics, nuit gravement à notre esprit critique et ramollit nos velléités politiques. Parce que la publicité, associée aussi étroitement à l’information et au divertissement, est le fer de lance du capitalisme qui perpétue indéfiniment le désir et la consommation ; parce qu’elle est sa vitrine qui cache les dégâts écologiques, l’exploitation des travailleurs, le saccage des pays du Sud et la pollution irréversible.
Parce que la publicité exerce une pression sociale sur chacun d’entre nous ; la marque opère une action psychologique contraire : elle est à la fois un symbole de réussite sociale, de distinction, de jeunesse dont nous nous servons pour construire notre identité ; mais elle est aussi nécessaire pour être comme tout le monde, se fondre dans la masse. Parce que la publicité véhicule l’idéal de vie bourgeois, ce qui est l’assurance que personne ne s’insurgera contre le consumérisme et le libéralisme pour faire la révolution. Même la contestation est reprise pour en faire l’esprit des marques.
Parce que la publicité nous coûte cher : nous payons dans le prix du produit la campagne publicitaire qui nous a donné envie de l’acheter, nous payons notre désir d’achat.
Parce que la publicité a un coût écologique : tout le papier et le plastique des emballages, tout le gaspillage énergétique, tous ces néons allumés toutes les nuits pour qui ? pour l’esprit du capitalisme qui exige d’être vu, d’être entendu, de saturer les esprits pour exister. Parce que la publicité est une pollution sonore et visuelle : un tiers des panneaux publicitaires de France seraient illégaux. Parce que la publicité a aussi un coût social et sanitaire, comme l’obésité encouragée par les marques agro-alimentaires ou l’anorexie par les stéréotypes de la mode.
« Les publicitaires nous considèrent comme une sorte de clavier sur lequel ils peuvent taper en permanence. Ce clavier, ce sont nos pulsions, qu’ils exploitent méthodiquement, en se dissimulant derrière un discours prétendument humoristique2. »
Pour finir
Le Passager clandestin est une maison indépendante politique qui encourage l’engagement citoyen et l’esprit critique à travers différents types de collections : celles à portée théorique ou historique et d’autres collections, comme Désobéir, qui sont vraiment concrètes.
Désobéir à la pub, de la collection Désobéir chez Le Passager clandestin, est le manuel d’engagement du XXIe siècle destiné à tous ceux qui sentent l’urgence de prendre les choses en main.
Ne vous y trompez pas : pas de blabla inutile ! Après une introduction sur la nécessité du combat, vous trouverez une liste de tous les actes pacifistes qui sont en votre pouvoir, avec photo à l’appui, dans votre maison, dans la rue, les transports en commun et les magasins. Vous pouvez agir seul, ou bien en collectif, ou contacter l’une des associations antipub pour des actions publiques. Comment ouvrir un panneau déroulant ? Comment éteindre un néon de boutique ? Comment organiser une opération médiatisée contre le lobbying de la publicité ?
Les propos sont sans demi-mesure, les mesures sont pacifistes, non offensantes et intelligentes. Et ce genre d’actes ne semble pas vain parce les afficheurs ne veulent surtout pas qu’on fasse de la pub... sur l’abus de pubs. En tant que cibles privilégiées des publicitaires, nous avons un poids colossal : il ne tient qu’à nous de reconquérir notre espace public.
Lisez aussi
Journalistes précaires, journalistes au quotidien Collectif
Sur la télévision Pierre Bourdieu
Divertir pour dominer Collectif
Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier
Le Ventre des femmes Françoise Vergès
Ceci est mon sang Elise Thiébaut
Libérées Titiou Lecoq
Beauté fatale Mona Chollet
Non c'est non Irène Zeilinger
Tirons la langue Davy Borde
Voir aussi
Collectif Désobéir Revue Le Publiphobe Collectif des Déboulonneurs Association Paysages de France Mouvement pour une alternative non-violente Robinson stop publicité Casseurs de pub 1. Page 11, propos de François Brune. -2. Page 20, propos d’Yvan Gradis, militant anti-pub.
Désobéir à la pub
Collectif Les Désobéissants
Éditions Le Passager clandestin
2009
64 pages
5 euros
4 commentaires -
Dandy
Richard Krawiec
Éditions Tusitala
2013
Merci à Libfly et aux éditions Tusitala !
La rencontre de Jolene et Artie, deux paumés qui cherchent à s'en sortir, dans les années 1980 aux États-Unis.
« Quand on est une fille, y a pas beaucoup de moyens respectables de se faire de l’argent1. »
Jolene, même pas vingt ans, se retrouve sur le ring d’une boxe d’un genre spécial. C’est plus exactement une fosse dans un bar, recouverte de gélatine, où des femmes se battent. Mais le public, essentiellement masculin, ne cherche pas tant les coups que les nichons dégoulinants de gélatine.
Avec ce combat misogyne et dégradant, elle gagnera vingt dollars. C’est que Jolene a un gamin sur les bras, le petit Dandy, alors qu’elle n’a pas un rond. Comment pourra-t-elle le nourrir une fois qu’il n’y aura plus de lait ni de coca à mettre dans son biberon ? Elle est prête à tout pour gagner de l’argent, mais son passé difficile lui revient toujours à la gueule comme un boomerang.
« Tout le monde connaît Artie2.»
Dans le public, Artie regarde ce combat avec autant de plaisir que les autres hommes, même s’il dira le contraire à Jolene lorsqu’il l’abordera. Artie, le mec marrant mais paumé, toujours à monter des petites arnaques pour gagner quelques dollars aussitôt dépensés en gnôle, vit dans un taudis et voudrait bien en sortir. Sa vie est merdique, il est seul et pauvre et aspire, comme tout le monde, à avoir sa part de bonheur consumériste et d’amour.
Pour finir
Jolene et Artie sont des laissés-pour-compte du libéralisme sauvage des années 1980, où, plus que jamais, tout s’achète, tout se vend, même la vie humaine. Nés dans la merde, sans amour et sans reconnaissance, ils sont sans cesse à la dérive, enlisés dans une reproduction sociale dont il est presque physiquement et mentalement impossible de sortir.
Tandis que Jolene, désespérée, semble s’excuser d’exister aux yeux méprisants, Artie est plein de rage de prouver au monde sa valeur. Qui a fait d’Artie un délinquant ? Lui-même ? Sa famille ? La société ? Ne méritent-ils pas eux aussi le bonheur matérialiste que vend le capitalisme ? Combien vaut la vie humaine ? Jusqu’où peut-on aller pour survivre ?
Cette rage qu’Artie porte en lui, c’est la rage de tous les pauvres, de tous ces adultes qui n’ont jamais vu la couleur du rêve, qui n’ont eu que des illusions et des déceptions.
Dandy incarne la violence du capitalisme exacerbé des années 1980 et qui ne cesse aujourd’hui de faire des ravages dans le monde entier. Il incarne le rêve matérialiste où il faut consommer pour ne pas être considéré comme un raté, où il faut posséder à l’excès jusqu’à ne même plus désirer posséder. Un texte à la fois beau et violent, perturbant, dont la portée dépasse les quelques personnages de ce roman, publié par une toute jeune et prometteuse maison, les éditions Tusitala, dont les livres sont si jolis !
« Ils pourraient toujours acheter une télé si l’argent continuait à rentrer. Une télé et une radio avec de véritables haut-parleurs. Et des vêtements et des chaussures. Des cigarettes. Et des rideaux. Des couvertures, un canapé, quelques petits soldats pour Dandy. Elle songea à toutes les choses qu’ils pourraient acheter, mais ça ne l’aida pas. Elle ne se sentit pas mieux3. »
Lisez aussi
Retour à Cayro et L'Histoire de Bone de Dorothy Allison
La Route de Los Angeles et Bandini de John Fante
En crachant du haut des buildings, Dan Fante
La Tête hors de l'eau, Dan Fante
L'Œil le plus bleu, Toni Morrison
Frankie Addams, Carson McCullers
Trois hommes, deux chiens et une langouste, Iain Levison
Un petit boulot, Iain Levison
Un job pour tous, Christophe Deltombe
Demande, et tu recevras, Sam Lipsyte
La Proie et Le Maître des âmes d'Irène Némirovsky
Macadam Butterfly, Tara Lennart
La guerre des mots. Combattre le discours politico-médiatique de la bourgeoisie, Selim Derkaoui et Nicolas Framont
1. Page 33. -2. Page 11. -3. Pages 232-233.
Dandy
(Time sharing, titre original)
Richard Krawiec
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé
Éditions Tusitala
2013
238 pages
18,50 euros
2 commentaires -
Des pavés pour les grandes vacances
Profitez de l'été pour vous plonger dans des romans intenses de plus de 400 pages ! Voici ceux que je vous propose parmi les titres déjà chroniqués :
≡ la saga familiale
du réalisme magique ≡≡ un goujat cynique et excellent ≡
Cent ans
de solitude
Gabriel García MárquezLes Jeunes Filles
Henry de Montherlant≡ la littérature
dans la tourmente nazie ≡≡ un roman d'aventure
à l'ancienne ≡La Voleuse
de livres
Marcus ZusakLe Club des neurasthéniques
René Dalize≡ une femme en avance
sur son temps ≡≡ le coup du siècle
des gueules cassées ≡Loving Frank
Nancy HoranAu-revoir là-haut
Pierre Lemaitre≡ et si on devenait subitement
tous aveugles ? ≡≡ le récit d'une prostituée
dans le Paris des années 1960 ≡L'Aveuglement
José SaramagoLa Dérobade
Jeanne CordelierEt des lectures agréables pour les petites vacances
Voici quelques idées pour passer un bon moment avec des romans de moins de 250 pages :
≡ du loufoque
et du cauchemardesque ≡≡ un voyage
complètement décalé ≡Le Locataire chimérique
Roland ToporLe Grand Loin
Pascal Garnier≡ des histoires étranges,
fantastiques et cruelles ≡
≡ une nuit de noce
pas comme les autres ≡Côté cour
Leandro Ávalos BlachaSur la plage
de Chesil
Ian McEwan≡ du suspense
dans le métro parisien ≡≡ comment faire revivre l'amour après 20 ans de mariage ? ≡
Dix-neuf secondes
Pierre CharrasLe Zèbre
Alexandre JardinJ'espère que vous trouverez votre bonheur cet été, et tenez-vous prêts pour la rentrée littéraire !
Bonne lecture !
4 commentaires
Suivre le flux RSS des articles
Suivre le flux RSS des commentaires