• Le Club des Neurasthéniques René Dalize Bibliolingus

    Le Club des Neurasthéniques

    René Dalize

    1912

    (2013, L’Arbre vengeur,
    illustré par Hugues Micol)

     

    Neurasthénie : désigne un état dont les symptômes incluent la fatigue, l’anxiété, les maux de tête, la névralgie et la déprime.

    « La peste est en plein Paris1

    Rien ne va plus pour les neuf membres du Club des Neurasthéniques ! La peste a ravagé l’Europe et s’attaque maintenant à Paris. Claude-Alain Mercœur, le secrétaire général du club fondé par le gentleman Archibald Clefsbury, a convoqué les membres pour une assemblée exceptionnelle. L’heure est grave, il leur faut prendre une grande décision. Mercœur, si désinvesti la journée, prend son rôle de secrétaire très au sérieux lors des réunions nocturnes.

    Les Neurasthéniques, si peu enclins à se mêler des affaires du monde, doivent se résoudre à agir face à l’hécatombe. C’est que la peste qui sévit tue en quelques heures ; ça commence par une petite toux et ça finit sans même avoir le temps d’agoniser.

    Que vont-ils faire ? Doivent-ils partir vers un autre continent, eux qui détestent sortir de chez eux et ont du mal à se supporter les uns les autres, bien qu’ils soient tenus par les engagements du club ? Doivent-ils tous se suicider, pour être enfin délestés d’une vie fatigante et ennuyeuse ?

    Mon avis

    Au-delà de l’aspect fédérateur et excitant lié à l’idée du club, dans la veine des clubs de la fin du XIXe siècle, Le Club des Neurasthéniques est un roman d’aventures des neufs membres, assez aisés pour une partie, douillets et nombrilistes pour la majorité. Ils seront entraînés bien malgré eux dans cette aventure improbable (tout cela à cause d’un manque de politesse), sans temps mort et avec beaucoup d’humour, notamment parce que René Dalize a un style léger et drôle, et parce que le niveau de langue, désuet aujourd’hui, a beaucoup de charme.

    La neurasthénie, présentée comme un mal de la société, laquelle a éloigné l’homme de la nature jusqu’à le rendre malheureux, fait écho aux philosophies du XIXe siècle. Ces personnages farfelus, convaincus de l’inanité de tout effort, incarnent l’anti-thèse de l’engagement dans le monde. Mais peut-on vraiment vivre indéfiniment à l’écart sans perdre un peu de soi ? Est-ce juste possible de n’avoir aucune attache et de se laisser porter par la vie sans prendre aucune décision ?

    Lire Le Club des Neurasthéniques, c’est s’offrir un drôle de moment de lecture illustré par Hugues Micol, c’est découvrir un auteur râflé par la Première Guerre mondiale, René Dalize, ami d’Apollinaire et grand fumeur d’opium ; et c’est connaître L’Arbre vengeur, une maison d’édition indépendante qui fait de beaux livres et de jolis textes.

    Lisez aussi

    La Conjuration des imbéciles John Kennedy Toole

    1. Page 27.

     

    Le Club des Neurasthéniques

    René Dalize

    L'Arbre vengeur

    Collection L'Alambic

    Postface d'Éric Dussert

    Illustrations de Hugues Micol

    mai 2013

    336 pages

    20 €

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  • Monde sans oiseaux Karin Serres Bibliolingus

    Rentrée littéraire 2013

     

    Monde sans oiseaux

    Karin Serres

    Éditions Stock

    2013

     

    « Des animaux qui nageaient dans le ciel sans tomber. »

    Monde sans oiseaux raconte la vie d’un village de paysans qui, après le Déluge, s’est retrouvé isolé par un lac. Les habitants, qui ne le traversent jamais, vivent de la pêche et de l’élevage, avec peu de moyens, si bien qu’ils ne connaissent pas le monde et ont perdu la science. Les oiseaux ne viennent plus par ici, autour de ce lac entouré de montagnes et de forêts. Dans ce lac éclairé par une lune verte, les cochons transgéniques nagent parce qu’ils sont devenus amphibiens, fluorescents et autorégénérants grâce aux expérimentations des éleveurs. Ils représentent la seule viande qu’ils mangent.

    Toute leur vie se concentre autour des forêts et de ce lac qui leur donnent du bois, des poissons, des cochons et des algues, les algues qu’ils fument et qui les habillent. Comme les poissons se font de plus en plus rares dans ce lac étrange, les conditions de vie sont de plus en plus difficiles.

    « Au sommet de mon corps, ma tête. À l’intérieur de cette boîte d’os : un flan mou et plissé. Et c’est cette chose, mon cerveau, qui me permet de penser ?! »

    « La peau du lac frémit, frise, se creuse comme une tôle ondulée puis explose en une immense vague qui asperge toutes les maisons du village sous le cri de ma mère qui me surplombe, petit corps gluant qui vient de ramper hors de sa nuit rouge pour atterrir sur le plancher au bout du cordon qui bat. Les planches me piquent, l’air me déchire, je déplie mes poumons fins comme des peaux de tomate, je vagis. Épuisée, ma mère glisse le long de la couette d’herbes sèches et tombe à mes côtés. Je la regarde à l’envers, maman-montagne-maman, pleine de son odeur. »

    Monde sans oiseaux raconte la vie de Petite boîte d’os, ainsi appelée par son père, le pasteur du village, parce qu’il s’interroge, le jour de sa naissance, sur l’origine des pensées humaines. Sa vie défile très vite, puisque le roman ne fait que cent pages, en une succession d’événements espacés dans le temps, dilués les uns dans les autres. Ce rythme de narration, d’une rapidité incroyable, rare et fascinante, est bien maîtrisé. Il montre combien la vie est cyclique, combien le temps passe vite au village. 

    Mon avis

    Monde sans oiseaux est un texte étrange, cyclique, fantastique, à la fois dystopique, parce qu’il traite d’une époque où l’homme a brisé l’équilibre entre ce que nous offre la nature et ce que nous en faisons, et ancien, parce que nous serons toujours confrontés aux éléments. La nature y est en effet très présente, elle fait partie intégrante de la vie des habitants. Ils vivent au rythme des saisons. Les femmes enfantent, les hommes travaillent, pêchent et cultivent, dans la plus pure tradition. La vie est rude, tout comme les rapports entre les gens. Le langage est rude, mais le texte est poétique. Monde sans oiseaux est un monde fascinant, violent, surprenant.

                                                                      4/6challenge album

    Lisez aussi

    L'interview de l’autrice réalisée par Babelio

    Effondrement Jared Diamond

    Les Trente Noms de la nuit Zeyn Joukhadar

     

    Monde sans oiseaux

    Karin Serres

    Éditions Stock

    Collection La forêt

    2013

    112 pages

    12,50 euros

     

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  • Quelques ombres Pierre Charras

     

    Quelques ombres

    Pierre Charras

    Le Dilettante

    2007

     

    Les Lauriers

    « Je » est un comédien, un comédien qui a poli les planches depuis plusieurs dizaines d’années. Un homme sûr de lui, peut-être un peu pédant, beaucoup macho. Le voilà qui se rend à la cérémonie des Lauriers qui va décerner le prix du meilleur comédien, auquel il pense prétendre à qui de droit, lui, un tragédien de grande renommée. Mais la cérémonie, qui dure, lui laisse tout le loisir d’étudier l’assemblée réunie ce soir. Il porte un regard désabusé sur le petit milieu du théâtre où tous les artistes se connaissent, rivalisent de talents et d’hypocrisie. Les prétendants sont si nombreux ! Il est si difficile de pénétrer dans la sphère, et si facile d’être oublié dès qu’on n’a plus les pieds sur scène. Et la cérémonie, quelle mascarade. Chacun se revendique de la plus grande authenticité lors des remerciements, alors qu’en secret il n’y a pas un seul comédien qui ne se soit entraîné, devant son miroir...

    Mon avis

    Il est si facile de se glisser dans la peau des personnages de Pierre Charras ! Dans Quelques ombres, un recueil de huit nouvelles, il parvient à brosser des portraits en des temps très courts, s’attachant aux petits détails, à des instants fugaces. Pierre Charras s’inspire du quotidien, des faits divers, de la vie parisienne, comme les gens qu’on croise dans le métro et dont on essaie d’imaginer leur vie, leur métier, leurs loisirs.

    Mais toujours, dans les petits et les grands événements qu’il raconte, il y a peu de choses qui commencent, et surtout beaucoup de choses qui se terminent dans un grand vertige. Il nous parle de l’amour, de la vie, de la mort, mais il le fait bien. Rendez-vous, Pas d’école et surtout, La Toilette, sont des nouvelles troublantes, dont on se souvient plusieurs mois après avoir refermé le livre.

    Un beau moment de lecture, qui ne doit pas faire peur à ceux qui sont réfractaires aux nouvelles !

    Du même auteur

    Dix-neuf secondes

    D'autres recueils de nouvelles

    Côté cour Leandro Avalos Blacha

    Jusqu'ici tout va bien Collectif

    Protégeons les hérissons Olivier Bordaçarre

    Macadam Butterfly Tara Lennart

     

    Quelques ombres

    Pierre Charras

    Le Dilettante

    2007

    192 pages

    16 euros

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